Le billet du vaurien
Comme mon ami Jean-Louis Kuffer que les ennuis de santé liés à l’âge n’épargnent pas – cancer, embolie pulmonaire et j’en passe…- je suis fasciné par le journal – non expurgé – de Julien Green, écrivain visionnaire et sans doute l’un des plus grands du siècle passé.
Pendant la Première Guerre mondiale, il s’était engagé comme brancardier. Dans son journal – en date du 9 avril 1922 -, Il regrette le fait que ce « merveilleux carnage » n’ait pas extirpé de nos sociétés la laideur des vieillards.
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Que faire, se demande-t-il, posément ? « Le mieux serait de hâter la fin de notre race, de prêcher le suicide de tous ceux qui ne sont pas beaux pour laisser le champ libre à de meilleurs éléments. »
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Green et Cioran, même combat
Julien Green ne voit aucune raison de respecter les vieux. « Est-ce donc, demande-t-il, que le nombre d’années comporte en soi quelque chose de méritoire et d’admirable ? Est-ce que la vieillesse ajoute quelque chose à la beauté de la physionomie humaine ? Hélas, quoi de plus attristant qu’un homme devenu gâteux, chauve, édenté, tremblotant ? » Il n’hésite pas à pousser le bouchon un peu plus loin encore : « Le mieux serait de fixer un terme à la vie humaine au-delà duquel il ne serait permis à personne de s’aventurer, sauf aux êtres d’élite…»
Cioran pensait de même, mort à quatre-vingt-quatre ans après cinq années d’Alzheimer, et Julien Green à quatre-vingt-dix-huit ans, obsédé par le cul et le catholicisme. Ce fut une des plus mémorables rencontres de ma vie tant était intense l’admiration que je lui portais.
Quant à son eugénisme, il suffit que je me regarde dans un miroir pour l’approuver…
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