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«Juifs d’Orient» à l’Institut du monde arabe: l’arnaque d’une exposition «historique»


«Juifs d’Orient» à l’Institut du monde arabe: l’arnaque d’une exposition «historique»
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Du Monde au Figaro en passant par Emmanuel Macron, tout le monde applaudit à tout rompre l’incontournable exposition intitulée « Juifs d’Orient, une histoire plurimillénaire ». Une fois parcourus les couloirs de cette belle exhibition proposée par l’Institut du monde arabe, est-il possible de ne pas mordre à l’hameçon de ce joli conte oriental?


Tout y est en effet : la beauté des œuvres et des visages, le symbolisme religieux, l’homélie d’une fraternité disparue, et surtout, la nostalgie d’un vivre-ensemble fantasmé par une élite exaltée et apaisée par l’une de ses vieilles lunes.

Inaugurée par le président de la République, cette exposition constitue le troisième volet d’une trilogie portant sur les religions abrahamiques proposée depuis 2014 par l’Institut. Signée par l’historien Benjamin Stora et la chargée de collection Élodie Bouffard, cette composition attire depuis novembre une intelligentsia parisienne venue pèleriner, rue des Fossés Saint-Bernard, au temple de l’ex-ministre de la Culture, Jack Lang.

Le seuil du circuit tamisé à peine franchi, les visiteurs intéressés se mettent en scène, savamment émus devant le témoignage d’un récit lointain, empreint de particularismes religieux et de singularités culturelles. À l’IMA, on admire ailleurs ce que l’on condamne chez-soi : la grandeur civilisationnelle.

Une question épineuse

Au-delà des autosatisfactions agaçantes entourant l’exposition que la presse présente comme « historique », il faut néanmoins reconnaître au musée arabe le mérite d’avoir osé aborder l’épineuse question juive en diaspora orientale.

En collaborant avec des institutions israéliennes comme le Musée d’Israël à Jérusalem, l’Institut a inévitablement provoqué les prévisibles appels au boycott de nombreux intellectuels arabes, outrés que leur refuge participe à la « normalisation d’un régime de colonialisme et d’apartheid » [1]. Soit dit en passant, il est toujours intéressant de relever l’humanisme à géométrie variable dont souffrent ces éternels indignés, étrangement enclins à cautionner les dictatures arabes tout en diabolisant la seule démocratie libérale de la région. À l’heure de la « cancel culture » et des pressions exercées par la tristement célèbre organisation Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS), l’IMA peut toutefois se féliciter d’avoir résisté.

Néanmoins, ni le courage politique, ni le symbolisme interculturel, n’autorisent les omissions grossières, les réécritures sémantiques et les accommodements géographiques, qui tissent inévitablement la toile d’un récit sciemment orienté. En effet, l’exposition coche toutes les cases à l’exception de la plus importante : la vérité historique. À commencer par son titre, « Juifs d’Orient », une précision géographique qui a de quoi interpeller plus d’un féru d’histoire antique. Nonobstant leurs siècles d’errance en diaspora, rappelons qu’à l’origine, les Juifs sont un peuple… oriental.

Au carrefour des grandes puissances peuplant le Croissant Fertile, les Juifs apparaissent en effet en tant que groupe ethnique dans la région du Levant il y a de cela plus de trois millénaires [2]. Dans une région teintée par la prééminence des croyances païennes, le peuple juif se démarque par son système théologique caractérisé tant par la foi révolutionnaire en un Dieu-Un que par l’élaboration d’une religion nationale [3], le Judaïsme. Du Royaume d’Israël aux Maccabées, de Jérusalem à Hébron, la nation juive aura marqué l’Orient au point que pour s’en débarrasser, les Romains tenteront, après les avoir massacrés et déportés en masse à la fin du 1er siècle, de rayer leur existence de la carte en rebaptisant la Judée par le nom de leurs ennemis bibliques, les Philistins. Ainsi, la terre des Juifs devint Palestine.

Juifs d’Orient, n’est-ce pas un pléonasme ?

Au regard de cette réalité, le pléonasme « Juifs d’Orient » laisse entrevoir la couleur d’une exposition subtilement ficelée de manière à pouvoir traiter de l’histoire juive sans en assumer la dimension nationale, donc territoriale. Reconnaître indirectement l’antériorité juive en Terre d’Israël, s’apparenterait, cette-fois ci, à un véritable suicide pour le centre culturel arabe. Le courage politique de l’IMA connaît ses limites…

À mesure que l’on s’enfonce dans la galerie épurée, l’intuition se transforme progressivement en évidence. À l’exception d’une modeste frise chronologique plantée en début d’exposition, difficile pour les visiteurs non-renseignés, de comprendre que la genèse des Juifs d’Orient soit synonyme de souveraineté nationale en Israël. Si le peu de considération accordée aux dix premiers siècles juifs interroge sur les intentions d’une telle exposition, certains signes, eux, ne laissent plus de place au doute. En prêtant un œil attentif aux détails, le visiteur alerte discernera aisément le diable qui s’y cache. Comment expliquer par exemple que les légendes décrivant certains artéfacts judéo-romains datant du 1er siècle av. J.-C. indiquent comme situation géographique la « Palestine », deux siècles avant même que Rome ne la rebaptise ainsi ?

Pour certaines pièces de collection antérieures, où la qualification palestinienne n’en serait que plus caricaturale encore, le musée ne s’encombre pas cette fois d’une rigueur géographique et remplace grossièrement le lieu par une époque, la « période hasmonéenne ». Difficile à interpréter pour les non-initiés, ladite période permet au musée de contourner habilement le gênant aveu d’un royaume juif en Judée.

À ces arrangements s’ajoute la sémantique associée aux Juifs, soigneusement dépeints comme de simples « communautés de croyants ». À cet effet, la typographie employée orthographie leur nom sans majuscule de manière, selon la convention française, à ne les voir qu’à travers le prisme confessionnel. Les Juifs, membres d’un groupe ethno-religieux, sont donc transformés en « juifs », membres d’un groupe exclusivement religieux.

Les documentaires diffusés, dont on peut toutefois relever l’esthique réussie, vont même jusqu’à réécrire l’identité juive dans l’Arabie préislamique. Ainsi, l’un des historiens affirme que les tribus juives dans lesquelles le Prophète Mahomet baigna, et dont il s’inspira pour fonder l’Islam, ne seraient en réalité que des « Arabes judaïsés ». Pourtant, si des minorités arabes s’étaient en effet converties à la religion mosaïque, la majorité des Juifs arabisés du 7e siècle descendirent bien de populations judéennes exilées. Incidemment, le même siècle fut marqué par la conquête arabe du Moyen-Orient et par extension, l’islamisation de Jérusalem, embarras colonial sur lequel l’exposition ne s’attardera néanmoins pas.

Enfin, la collection éphémère ne pouvait se conclure autrement que par une formidable révision du sionisme moderne. Dans la pièce sombre qui y est consacrée, rien ne laisse deviner qu’en 1948, année de la création de l’État d’Israël, le peuple juif restaure une indépendance perdue 2000 ans plus tôt.

Selon la trame narrative choisie, l’exode des quelques 850 000 Juifs fuyant le monde Arabe entre 1948 et 1951 s’expliquerait mieux par le « traumatisme lié au génocide nazi des Juifs d’Europe » que par les répressions antisémites et meurtrières du monde arabe. Comme souvent, l’Occident a bon dos.

Si un des films projetés finit par reconnaître la responsabilité des régimes irakiens ou encore syriens, elle s’offre toutefois le luxe de partager les torts en accentuant le rôle de la propagande sioniste de l’Agence Juive ayant joué un rôle supposément égal dans le « déracinement » de ces Juifs orientaux.

Pour finir, et comme on pouvait s’y attendre, l’Institut dramatisera délibérément l’accueil réservé aux Juifs orientaux par les Israéliens occidentaux, les Ashkénazes. Un accueil que les historiens, soigneusement sélectionnés, mettront un point d’honneur à décrire comme empreint de stigmates, voire de suprématisme.

En résumé, sous couvert d’une fraternité judéo-arabe millénaire imaginée, l’Institut du Monde Arabe conclut sa « trilogie abrahamique » en arrangeant, à sa sauce, un récit désincarné des « Juifs d’Orient » qu’un sionisme froid et calculateur viendra arracher à leurs heureuses oasis arabes.

On y a presque cru.

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[1] https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfo5DR7RGXkbLw0l82jwaW-N8Qu40lKcx46uR9euvWVnddX-Q/viewform

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_peuple_juif#Isra%C3%ABl_antique

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Monoth%C3%A9isme#Monol%C3%A2trisme



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Diplômé du King’s College de Londres en Philosophie, Politique et Économie, Simon Moos est rédacteur en chef d’IN+, un média en ligne traitant des grands sujets de société à travers le prisme d’une ligne de défense des valeurs occidentales.

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