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Juifs de banlieue: la fuite vers l’ouest

Un nouvel antisémitisme musulman sévit en banlieue et pousse de nombreux juifs à partir


Juifs de banlieue: la fuite vers l’ouest
Enquête de police après l'incendie d'un supermarché Hyper Cacher à Créteil, déjà ciblé par des tags antisémites, 9 janvier 2018. ©Alain Jocard

Depuis la deuxième Intifada, un nouvel antisémitisme musulman sévit en banlieue, notamment en Seine-Saint-Denis. Aggravé par la montée du salafisme, ce phénomène pousse un nombre croissant de juifs à migrer vers l’ouest dans des villes où ils peuvent se regrouper. Avec la bénédiction des autorités qui ne peuvent pas garantir la sécurité de familles isolées. Reportage.


Ce n’est pas un retour aux années 1930, mais le phénomène est inquiétant : le « nouvel antisémitisme » qui sévit dans la banlieue de l’Est parisien oblige, chaque année, des familles juives à fuir leurs quartiers pour trouver refuge ailleurs, plus à l’ouest, parfois à quelques kilomètres de « chez eux », parfois en Israël, parce que leur quotidien est devenu invivable.

Insultes, intimidations, vandalisme, graffitis, quelquefois agressions physiques… Voici ce à quoi sont confrontés les juifs de plusieurs villes de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise, puisque même à Sarcelles, les relations entre juifs et musulmans, réputées jusqu’ici pour leur cordialité, commencent à se fissurer.

« On se fait cracher dessus, on nous balance des canettes »

En effet, ce qu’on appelle nouvel antisémitisme est le fait de jeunes musulmans, comme le montrent les multiples témoignages recueillis cet été par Causeur. Son apparition coïncide avec la deuxième Intifada palestinienne, survenue à plus de 4 000 km de là, comme si les juifs, quel que soit leur degré d’attachement à Israël, demeuraient redevables d’événements dont ils ne sont pas responsables. Il coïncide également avec la montée du salafisme, perceptible dans de nombreuses villes de France, depuis une vingtaine d’années.

« En dix ans, la communauté a diminué de moitié, de 800 familles à 400. Les juifs partent au fur et à mesure de l’islamisation de la ville, qui a libéré la parole, témoigne le docteur David Rouah, président de la communauté de Vitry-sur-Seine (94). Quand on sort de la synagogue, on se fait cracher dessus, on nous balance des canettes, des œufs, des tomates. Motos et voitures nous klaxonnent. On nous crie “Allahou Akbar”. Ici, le mal de vivre est quotidien. »

A lire aussi: Georges Bensoussan : « L’antisémitisme maghrébin est antérieur à la colonisation française »

Quid des relations idylliques vantées par certains médias ? Ce médecin sexagénaire, parfait arabophone, qui soigne le président et l’imam de la mosquée, soupire : « Quand il y a un événement politique en Israël, des musulmans s’en prennent aux juifs. Mais quand il se passe quelque chose en Syrie, ils ne bougent pas. Les juifs d’ici veulent déménager. Ceux qui restent, ce sont les pauvres, ceux qui n’ont pas les moyens de mettre leurs enfants dans une école privée ou de déménager. Juif et pauvre. La double peine, en somme. »

« On a pourtant vécu deux mille ans avec les Arabes au Maghreb. J’ai de bons rapports avec eux, ils sont contre les salafistes qui, disent-ils, leur causent du tort. Mais notre situation n’est pas pire que dans le 93 ou le 95, qui connaissent, eux aussi, un phénomène islamiste. »

« Rester ou partir ? »

C’est le cas, notamment, à Villepinte, où ne vivent plus que 60 à 70 familles juives, contre 150 il y a dix ans, comme l’explique le docteur Charly Hannoun, président de la communauté de la ville : « La plupart sont partis en Israël, pour des questions de sécurité, mais aussi de foi. Ceux qui sont restés se posent aujourd’hui la question : rester ou partir ? L’antisémitisme est de plus en plus actif. Le sentiment qui domine est qu’il peut malheureusement se passer quelque chose. On n’est pas à l’abri. Notre place n’est pas ici. Mais au-delà de 50 ans, on ne décide pas d’une aliya comme ça, la réinsertion en Israël est difficile. »

Si de nombreux juifs partent pour Israël, d’autres ne veulent pas quitter un pays dont ils se sentent pleinement citoyens. Ces « Français juifs », plutôt que « juifs de France », ne demandent


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Septembre 2018 - Causeur #60

Article extrait du Magazine Causeur




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