Il paraît que Clément Weill-Raynal n’est pas sorti d’affaire, tant s’en faut, puisque le jury disciplinaire qui l’a convoqué vient de requérir la mise à pied contre cet importun. « L’auteur du mur des cons », comme le baptisait Libération dans son édition de mardi, pourrait bien payer les pots cassés du désamour entre magistrats et Français. Du scandale d’Outreau aux imprécations « potaches » du Syndicat de la magistrature, il y a de quoi s’interroger sur la dernière frange de nos élites qui rechigne à rendre des comptes. Du coup, dans notre dossier central de juin, nous mettons les pieds dans le plat : « Qui jugera les juges ? », en voilà une question qu’elle est bonne ! Notre troisième numéro distribué en kiosques revient ainsi sur la crise de confiance que traverse la justice, avec un aréopage d’auteurs que l’actualité n’a pas manqué d’inspirer.
Comme le résume Elisabeth Lévy, aujourd’hui le juge « tient la dragée haute au puissant » et, flanqué du journaliste, s’est « emparé d’un pouvoir abandonné par ceux qui étaient mandatés pour l’exercer», au risque de confondre verdict et idéologie. Nos politiques déserteurs seraient donc les vrais coupables des errances du siège comme du parquet ? Le sénateur socialiste André Vallini, longuement interviewé par Gil et Elisabeth, dément pourtant tout angélisme de la gauche qui a accompli son aggiornamento sécuritaire et jeté aux orties les vieilles lunes gauchistes du Syndicat de la magistrature. Justement, les juges ne se contentent plus de trancher : ils invectivent et épinglent à tout bout de champ ! La faute au narcissisme éhonté des magistrats, plus qu’à une logique corporatiste, nous explique l’avocat et ancien ministre Georges Kiejman. Ses conclusions ne rejoignent que partiellement le démontage de l’angélisme auquel s’adonne Philippe Bilger, qui a longtemps officié en robe d’hermine avant d’enrichir nos colonnes. L’ancien bâtonnier du barreau de Paris Christian Charrière-Bournazel relativise ce jugement. D’après lui, heureusement, la plupart des juges seraient d’une intégrité et d’une neutralité sans failles. En démocratie, les pouvoirs s’équilibrent et le politique élu au suffrage universel a notamment recours aux conseils avisés du juge administratif. Halte ! s’écrie Malika Sorel, révoltée par le rapport du conseiller d’Etat Thierry Tuot recommandant au président de la République d’adapter la société française… à ses immigrés. Citations à l’appui, l’essayiste nous démontre que ce plaidoyer différentialiste n’est pas une chance pour la République. Nous prendrons enfin un peu de champ historique avec Anne-Marie Le Pourhiet, qui retrace la généalogie du conflit entre juges et politiques : avec le « triomphe de la subjectivité » dans les prétoires, le spectre des parlements d’Ancien Régime nous tendrait les bras…
Tout aussi politique, la Manif pour Tous et ses retombées n’ont pas fini de défrayer la chronique et d’effrayer les chroniqueurs. La vague de mobilisation retombée, tout comme celle de panique en face, il est temps de disséquer ce mouvement inattendu. Cruel mais juste, le sociologue Jean-Pierre Le Goff souligne le désarroi d’une gauche en fringale de projet social face à la dynamique enclenchée par Frigide Barjot. À force de « vouloir rééduquer un peuple considéré comme « beauf » et « arriéré », la gauche est passée complètement à côté de son sujet : c’est bien beau de bouleverser « la conception de la vie et de la filiation » au nom de l’égalité, encore faut-il savoir s’adresser aux familles, surgeon d’une France catholique et conservatrice que le PS a effacé de son logiciel. Que dirait-il donc de la Pologne conservatrice héritière de Lech Walesa, membre de l’Union européenne qui refuse la moindre union civique à ses homosexuels ? Paulina Dalmayer ausculte pour nous le cas Walesa et ses sorties de « troglodyte » mal embouché.
Point de vue original s’il en est, Walthère Malissen perçoit dans la loi Taubira la défaite posthume de mai 68 puisque l’ordre du mariage s’offre désormais à tous, loin des slogans ravageurs qu’Enragés et situs inscrivaient sur les murs du quartier latin. La logique des droits individuels étant arrivée à terme, la gauche de gouvernement a scellé l’union du conservatisme social et du libéralisme. Vive les mariés !
De nos jours, pas de mariage sans DJ. Las, Elisabeth Lévy nous rappelle que la « gauche gramophone » repasse « ses disques usés » contre l’éternelle bête immonde tout en s’inquiétant du radicalisme de cette « minorité morale » pour laquelle « il y a des lois au-dessus de la République ». Une France catholique luttant « pour quelque chose qui a déjà disparu » soulève l’enthousiasme de Marie-Noëlle Tranchant, fière des jeunes engagés aux côtés de Frigide Barjot. Mais comme nous apprécions toujours les sons de cloche dissonants, nous avons convié Joseph Macé-Scaron, rédacteur en chef à Marianne, à nous livrer une défense et illustration du mariage pour tous.
Comme chaque mois, nous vous offrons l’agence de voyages la plus rapide de l’hexagone puisque, pour le prix d’un seul numéro, vous voguerez de Téhéran au bocage de Notre-Dame-des Landes, après un petit crochet par les permanences UMP savoyardes.
En plus de nos rendez-vous récurrents – journal d’Alain Finkielkraut et « moi » de Basile de Koch, chronique post mortem de Philippe Muray et Carnets de Roland Jaccard – deux nouveautés attendent votre lecture attentive. Pour le côté sérieux, un épais dossier consacré à François Furet et à la Révolution française, thème d’une biographie signée Christophe Prochasson, met aux prises les historiens Elie Barnavi et Jean-Clément Martin. Le premier a intimement connu François Furet dont il brosse un portrait amical donc sans complaisance : antirobespierriste convaincu, l’auteur du Passé d’une illusion a fini en orphelin de la gauche sans épouser le conservatisme d’une droite avec laquelle il rivalisa d’anticommunisme. En revanche, selon Jean-Clément Martin, Furet ne parvint jamais à se départir de son idéalisme marxiste liant la révolution bolchévique à sa devancière de 1789. On ne se refait pas…
Rassurez-vous, le frivole comparaît aussi dans nos pages. La preuve : Jérôme Leroy inaugure sa nouvelle rubrique « C’était écrit » par un parallèle osé entre la proustienne Odette de Crécy et l’ultra cathodique Nabilla. Vous pouvez courir acheter Causeur, la séance est levée !
Attention : les abonnements démarrent désormais avec le numéro suivant. Si vous souhaitez débuter le vôtre avec le numéro de juin, faites-en la demande à clients@causeur.fr.
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