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Augustin Trapenard troublé par Judith Butler

France inter a reçu l'auteur de "Trouble dans le genre"...


Augustin Trapenard troublé par Judith Butler
Judith Butler, Francfort, Allemagne, 11 septembre 2012 © Thomas Lohnes/AP/SIPA, Numéro de reportage : AP21294249_000004

France Inter a reçu la philosophe Judith Butler. La radio de gauche a-do-re ses thèses qu’elle qualifie de « subversives et galvanisantes ». Vous l’avez manquée? Pas Causeur, soyez tranquilles…


On sent que l’animateur Augustin Trapenard a gobé depuis longtemps toutes les thèses sur le genre, il n’y aura donc pas de questions embarrassantes mais plutôt des relances doucereuses et assouplissantes qui mettront Judith Butler dans les meilleures conditions pour dire des platitudes, faire des remontrances à la France à cause de sa « résistance » au progressisme, et admonester ceux qui continuent d’ignorer ou de critiquer les études sur le genre.

Judith Butler fait partie de ces universitaires post-structuralistes américaines qui, s’appuyant sur les travaux de Derrida et de Foucault, ont fait de la « déconstruction » l’alpha et l’omega de leur système de pensée. 

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Encore plus subversif que les macronistes

Cet appareil idéologique repose sur des thèses plus ou moins bien digérées, détournées, orientées en vue de démontrer la « performativité du genre » et, surtout, de dénoncer en vrac le nationalisme, le capitalisme, le patriarcat, l’hétérosexualité et « toutes les formes de violences systémiques ». Judith Butler pense que son travail sur le genre est subversif en ceci qu’il « menace la famille traditionnelle hétérosexuelle qui suppose la supériorité de l’homme sur la femme et qui part du principe que les familles ont pour mission de se reproduire afin d’engendrer des citoyens hétérosexuels. » Ce genre de réflexions indigentes ne semble pas troubler le moins du monde Augustin Trapenard qui abonde dans le sens de son invitée. Cette dernière considère que l’approche intersectionnelle (genre, race, féminisme, LGBT, etc.) est « un danger pour le néo-libéralisme », et que tous ceux qui critiquent ces mêmes études intersectionnelles sont des ignorants n’ayant pas lu ou pas compris ses ouvrages. Les Français, en particulier, trop « nationalistes », et qui se prennent pour « l’incarnation de la civilisation », sont en réalité « des ignorants » refusant de « vivre dans un monde globalisé » qui pourrait être, selon elle, le meilleur des mondes possibles grâce à un système qui prendrait entièrement à sa charge les besoins économiques de chacun (revenu universel), les soins aux personnes, les gardes d’enfants, etc. au lieu de les laisser entre les seules mains de la détestable « famille traditionnelle. » Augustin Trapenard est aux anges…

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Mme Butler ne semble pas voir que son meilleur des mondes possibles est en bonne voie de réalisation totale. À côté des prises en charges étatiques censées assurer la stabilité sociale, et au contraire de ce qu’elle croit, le néo-libéralisme s’adapte très bien à l’atomisation des sociétés occidentales. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder certaines séries américaines et européennes ou les publicités des plus grandes marques de produits alimentaires, automobiles, informatiques, téléphoniques, etc. : elles ne sont absolument plus à l’image de la norme qui afflige tant Judith Butler mais bien à celle imposée par les lobbyistes du monde global, économiquement et sexuellement libre-échangiste et fluide, géographiquement et symboliquement sansfrontiériste, libéré du frein au consumérisme effréné que pouvait être une vie vécue dans les limites traditionnelles d’une communauté de personnes ayant encore le goût du partage, de l’entraide, et l’idée de l’utilité ou de l’inutilité de tel ou tel achat. 

Le néolibéralisme converti depuis longtemps aux thèses de Judith Butler

Ces marques ont compris : 1) que de nouveaux clients sont apparus sur le marché, individualistes, fiers d’être ceci ou cela, culturellement captifs, en même temps “influencés” et “influenceurs”, sensibles à toutes les modes et financièrement au-dessus de la plèbe ; 2) qu’elles-mêmes n’échappent pas à la surveillance constante et vigilante des soi-disant victimes de discriminations ou des lobbys de toutes sortes : les dernières mésaventures d’une eau en bouteille accusée d’islamophobie, d’une série accusée de grossophobie et d’homophobie, ou des films pour enfants « recontextualisés » sont là pour en témoigner. Ce ne sont que trois exemples parmi les centaines qui poussent de plus en plus d’enseignes à se déclarer gay-friendly, contre le racisme, pour les emballages “verts”, ou à retirer de leurs notices de produits de beauté les mots traumatisants “blanc” et “blanchissant”.

Mme Butler dénonce le patriarcat, jérémiade constante des milieux lesbiens radicaux, néo-féministes, antiracistes et écologistes qui, intersectionnalité oblige, entremêlent les causes pour montrer du doigt le responsable de tous les maux : le mâle blanc occidental. Pourtant, et pour le dire rapidement, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, le patriarcat est mort. Ce simulacre d’un patriarcat occidental, entretenu par des féministes revanchardes ou bêtes, est fait du même bois creux que celui du racisme “systémique” et n’a qu’un but : désigner et mettre en examen le « coupable presque parfait » (P. Bruckner), le juger, le condamner, l’exécuter, le remplacer. Étrangement, le patriarcat bien réel des sociétés musulmanes semble, lui, avoir les faveurs de Judith Butler et de ses émules. Dans son livre Vie précaire, elle blâmait ces femmes afghanes qui avaient décidé, après la défaite des talibans, de ne plus porter la burqa. Ces “traîtresses” n’avaient pas saisi « les importantes significations culturelles de la burqa, la façon dont elle signifie l’appartenance à une communauté et une religion, une famille, une histoire prolongée de liens de parenté, un exercice de modestie et de fierté, une protection contre la honte », écrira la papesse du genre en citant, pour l’approuver, l’oratrice d’une conférence (1). 

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Eric Fassin, représentant de Butler en France

Pour réussir ce tour de force paradoxal, il faut – à l’instar du multi-sociologue Éric Fassin, représentant officiel de la firme Butler en France – regarder l’histoire des hommes à travers le « seul prisme » de la domination des Occidentaux sur les autres peuples, des hétérosexuels sur les minorités LGBT, des Blancs sur les “racisés”. En conséquence de quoi, même ce qui pourrait redorer le blason de cet Occident honni (comme la libération des femmes afghanes, par exemple) doit être dénoncé, sali, refusé au nom de cette idée que « toutes les civilisations se valent » mais que la civilisation occidentale vaut quand même un peu moins que les autres. Ainsi, autre exemple, l’esclavage transatlantique est-il devenu un crime contre l’humanité tandis que les traites négrières intra-africaines et arabo-musulmanes demeurent des péripéties folkloriques qu’il vaut mieux passer aux pertes et profits historiques.
Pour qui voudrait approfondir le sujet et chercher un efficace moyen d’endormissement sans recours aux médicaments, nous conseillons la lecture du livre de Butler, Trouble dans le genre. Le charabia y dispute sa place au galimatias ; le jargon ronflant procure à l’étudiant de Paris VIII la douce sensation d’avoir compris l’incompréhensible. « La sauce rhétorique plus ou moins majestueusement théorique est bien relevée, et suffisamment séduisante pour donner, en prime, l’impression au lecteur qu’il est sans doute très intelligent. […] L’on a sans cesse l’impression de s’embourber dans les pages, malgré les hauteurs théoriques où nous sommes censés voler. », écrit Sabine Prokhoris dans Au bon plaisir des “docteurs graves”, à propos de Judith Butler. Augustin Trapenard, lui, continue de planer, envoûté : « Vous m’avez rendu heureux ce matin, Judith Butler, merci infiniment pour cette liberté, cette concision, cette émulation », susurre-t-il pour conclure son émission.

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(1) Cité p.163 du livre de Sabine Prokhoris Au bon plaisir “des docteurs graves”. P. 47 et 48 du
même livre, Sabine Prokhoris rappelle la teneur de l’hallucinante Lettre de Paris de Butler parue
dans le Libération du 19 novembre 2015, soit quelques jours après les attentats islamistes qui
endeuillèrent la France, et dans laquelle la spécialiste du genre se fait spécialiste géopolitique pour
dénoncer un État français supposément arabophobe, car refusant sciemment de parler d’État
islamique pour « garder le terme “Daech”, pour que cela reste un terme arabe qui n’entre pas dans
la langue française »
, entre autres gracieusetés.




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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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