Le roi d’Espagne a donc décidé d’abdiquer. C’est la plus sage des décisions, et beaucoup s’étonnent que Juan Carlos ne s’y soit pas résolu depuis des mois. L’âge, le scandale d’une partie de chasse au Botswana et surtout l’inculpation de son gendre et de sa fille pour détournement de fonds publics auraient déjà pu le décider à partir. Mais à l’époque, Juan Carlos (comme Elisabeth d’Angleterre), ne voyait pas l’intérêt d’un renoncement.
Probablement pour renouer avec la tradition des monarques qui meurent dans leurs lits.
Sauf que la monarchie constitutionnelle européenne a évolué, et la norme actuelle est plutôt à l’abdication comme en témoignent les précédents, ces deux dernières années, d’Albert II de Belgique et de Béatrix des Pays-Bas.
Alors, qu’est qui a pu décider le roi à sauter le pas et à renoncer à une couronne si chèrement acquise, après des années passée dans l’ombre de Franco ? Deux morts hantent peut-être ses pensées depuis quelques semaines.
Celle d’Adolfo Suárez, tout d’abord, son premier Premier ministre au cours de la transition démocratique espagnole, qui légalisa le Parti communiste et permit d’organiser les premières élections libres après la terrible dictature franquiste. Et puis peut-être celle de son père, Don Juan (1913-1993), qui ne fut jamais roi et qui aurait dû l’être, si les règles de la succession avaient été respectées. L’explication entre le père et le fils avait été difficile. Don Juan s’était éclipsé, parce qu’il s’était trop opposé à Franco. Et puis, une fois la transition démocratique garantie, il était revenu pour céder solennellement ses droits à son fils. Aujourd’hui, il est probable que Juan Carlos, reproduisant le même geste de renoncement que son père, paie une dette posthume.
Pour les plus lucides, les résultats des élections européennes en Espagne, qui ont vu l’érosion d’un bipartisme qui anime la vie politique espagnole depuis trente ans, est le petit détonateur ayant résolu le roi à tout lâcher. Autre raison possible avancée par les observateurs, son âge qui ne lui permet plus de suivre aussi bien la politique, tout passionné qu’il puisse être.
De fait, en Espagne, la succession semble bien assurée. Le prince Felipe jouit d’une très bonne cote de popularité, épargné par les scandales et avec à son crédit une gestion toute en douceur de la crise catalane en défenseur proclamé de l’unité, comme il en fait la démonstration lors de ses déplacements à Barcelone.
Une majorité d’Espagnols, à gauche comme à droite, ressent le besoin d’unité. Dans ce contexte, la monarchie espagnole assurera une fonction apaisante et stabilisatrice dans la vie du pays.
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