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Juan Branco: le chaos très au point

Un avocat pas trop mûr, s’il vous plait!


Juan Branco: le chaos très au point
Juan Branco photographié à Paris, octobre 2022 © STEPHANE DUPRAT/SIPA

Le ténor du barreau publie un nouvel essai, Coup d’Etat (Au diable vauvert, 30 mars), présenté comme un manuel d’insurrection. Mais malheureusement pour notre jeune révolutionnaire, sa prose fait plus penser à Damien Saez qu’à Malaparte…


Ecouter les interventions de Juan Branco, sur ThinkerView ou sur TV Libertés, c’est un peu se retrouver dans la peau des personnages de Philipp K. Dick qui, enterrés dans les profondeurs de la Terre à l’abri des radiations nucléaires, finissent par faire un tour à la surface et découvrent le luxe dans lequel vivent les derniers humains restés tout là-haut…

Boxeur de salon

Pur produit du microcosme parisien, installé sur l’Île Saint-Louis, en plein cœur de la Matrice, Juan Branco nous raconte, dans ses passages sur ces chaines YouTube, les origines supposément troubles de la fortune de Xavier Niel ou de l’obtention de la construction du nouveau Tribunal de Paris par Bouygues. Aussi, c’est non sans gourmandise que nous attendions son nouveau livre, sobrement intitulé Coup d’État...

Envolées lyriques et rimes en «é»

Se présentant comme l’ancien avocat des gilets jaunes, de Julian Assange et de Jean-Luc Mélenchon (il aurait même rencontré certains d’entre eux !), Juan Branco est bien décidé à faire trembler l’oligarchie nationale et mondiale. Annoncé en février dernier, l’ouvrage prend un écho un peu particulier en cette fin mars 2023, alors que le mouvement contre la réforme des retraites bat son plein.

D.R.

Coup d’Etat est divisé en trois temps. La première partie, dans un style lyrique – trop – voire amphigourique, présente un texte qui est une succession de petits paragraphes rimant en « é » (« Jeunesse et vitalité absentes, exclues de tout, saturées de cris jamais portés, qui disent:/ Laissez-nous exister !/ Partout, des victimes, laissées à l’abandon en des paysages dévastés./ Nous défaire de notre allergie à cette notion qu’est le pouvoir consiste à accepter la damnation qui habite toute société humaine. À prendre au sérieux les cris qui sont portés » et ainsi de suite, sur plusieurs paragraphes), si bien que le lecteur se demande s’il ne s’est pas davantage retrouvé dans une chanson de Damien Saez plutôt que dans La Technique du Coup d’État de Curzio Malaparte. Pourtant, à le lire, Branco refuse tout romantisme naïf. Il désigne avec un excès de métaphores des stratégies de classe. Il voit l’État comme « une idée archaïque qui ne fait que sombrer », mais veut quand même récupérer une souveraineté. Il y a même quelques accents quasi gaulliens (« Nous avons besoin d’un pays qui non seulement demeure, mais retrouve sa grandeur. Des critères objectifs permettent de le justifier, et d’arguer que la permanence de notre civilisation, de tout ce qu’elle a permis d’accumuler, n’est pas que caprice ou affaire de pur intérêt, et justifie qu’un effort collectif soit mené ») et l’on croit reconnaître Du Bellay quand il évoque la France (« Où es-tu, France, toi qui est montée jusque l’idée, construisant un rapport au Tout, devenant chose, entrant en rapport avec les divinités, où es-tu et que tu désires-tu ? »). Interdit de rigoler: on parle de la France, quand même !

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Bons tuyaux révolutionnaires

Dans un deuxième temps, Branco propose trois voies pour parvenir à nos fins: les élections, le coup d’État ou la révolution. Pour les élections, on comprend bien vite que c’est un piège à cons, dans laquelle la France insoumise serait tombée. Jean-Luc Mélenchon est qualifié de « parlementaire d’un certain âge, apparatchik que l’on pensait fat et satisfait, ayant passé 30 ans à se nourrir aux frais de la princesse » ; on a connu avocats plus aimables avec leurs anciens clients. Il faut reconnaître que la plume de Branco s’améliore lorsqu’elle se charge de fiel, évoquant la bourgeoisie, et notamment « un mariage bourgeois dans le centre de Paris » où l’auteur doit « supporter le défilé des visages atteints par le lucre et le stupre, l’insuffisance mentale et physique »… Branco n’est pas toujours tendre avec les gens politiquement les moins éloignés de lui, par exemple François Bégaudeau, François Ruffin et le comité invisible.

Envahir la Villa Montmorency et Monaco

On comprend donc vite qu’il vaut mieux miser sur le coup d’État ou la révolution. Dans la troisième partie, Branco développe donc sa stratégie – ce qui permet au livre d’enfin mériter son sous-titre : « manuel d’insurrection ». Il propose aux successeurs des gilets jaunes d’attaquer les préfectures, d’y prendre en otages quelques haut-fonctionnaires, de piquer des armes dans les polices municipales, de saccager les archives et les stocks de données, de rallier au mouvement policiers et militaires, d’arrêter les résidents de la Villa Montmorency, d’envahir Monaco – le Général de Gaulle n’aurait pas complètement désapprouvé. Il nous glisse sur plusieurs pages ses bons tuyaux révolutionnaires en proposant une géographie complète des câbles de fibre longue distance à débrancher le long des plages bretonnes ou sur la dune du Pilat.

Homme de l’intérieur du système, Branco connaît les failles des portes d’entrée des ministères. Ça va faire quand même beaucoup de conjurés dispatchés sur tout le territoire… « Qu’est-ce qui a manqué [lors du mouvement des gilets jaunes] ? La possibilité d’offrir une alternative crédible, des négociateurs porteurs, non d’un discours cohérent – le nôtre l’était – mais suffisamment proches – c’est toujours, malheureusement, le paradoxe – des lignes hiérarchiques ennemies pour balayer les hésitations de ceux qui nous enfaçaient (sic) ». Comme par hasard, avec son pedigree, Branco répond parfaitement au profil recherché…

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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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