En Belgique, deux journalistes réputées risquent la prison. Pour nous montrer « l’exemple », Myriam Berghe et Anouk Van Gestel ont accueilli chez elles… des passeurs de migrants.
La société post-moderne a érigé le journaliste en un curieux hybride. Il tient du prêtre, récitant la nouvelle doxa, mais aussi du pédagogue qui vous explique avec douceur et fermeté ce qu’il convient de penser de l’actualité. Il est justicier aussi, dénonçant sans relâche les dérapages en tout genre. Et il est aussi, voire surtout, le garant incorruptible de la morale et de l’équité. Sorte de saint laïc, il est l’homme que l’on se doit de suivre et de défendre, avant de le vouer aux gémonies si lui aussi dérape, on dérape de plus en plus vite de nos jours, une vraie patinoire !
Nous sommes deux soeurs jumelles…
En période électorale, le journaliste est tout à la fois le meilleur allié et le plus redoutable piège de l’homme politique. C’est peut-être pour cette raison que deux représentantes de cette profession se retrouvent aujourd’hui sous les feux éphémères de l’actualité. Et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Myriam Berghe, journaliste chez Femmes d’aujourd’hui, pilier de la presse féminine belge, et de Anouk Van Gestel, rédactrice en chef de Marie-Claire Belgique. De belles âmes, donc, confites à l’humanitaire féministe, que demander de plus ?!
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Mais ne voilà-t-il pas que ces deux icônes risquent jusqu’à 10 ans de prison ! Pourquoi ? Pour « organisation criminelle », pas moins. En effet, en bonnes samaritaines – chez qui on trouve tout ! – ces deux justicières hébergeaient chez elles des migrants. Et parmi ces migrants se trouvaient des passeurs. Leur bonne foi avait-elle été trompée ? Pas du tout, de leur propre aveu, elles ne l’ignoraient pas. Mais, plaide Myriam Berghe, ces passeurs-là n’étaient pas des trafiquants d’êtres humains, voyons ! Ils organisaient, contre monnaie sonnante et trébuchante, le passage d’êtres humains en situation illégale vers le Royaume-Uni, certes, dans des conditions affligeantes, certes également, mais « ils n’ont rien à voir avec ce que le droit appelle des ‘trafiquants d’être humains’. Ce sont des jeunes paumés », affirme-t-elle.
Les déclarations d’Anouk Van Gestel sont plus hallucinantes encore, car elle maintient que sa démarche était « humanitaire ». Les passeurs ont donc trouvé un nouveau terme pour qualifier leurs activités : ils font de l’humanitaire, chouette alors !
Si on ne peut plus rendre service…
Anouk Van Gestel est défendue par maître Alexis Deswaef, sémillant juriste dont tous les caméramen du pays connaissent le meilleur profil, ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme, no-border patenté et ennemi implacable de l’actuel gouvernement MR/N-VA. Sa plaidoirie pourrait se limiter à ceci : ces deux donzelles ont simplement voulu rendre service. Un peu comme lorsque vous aidez un vieillard à traverser la route, quoi ! Et il ne cache pas la cible qu’il visera à travers ce procès : Théo Francken. Car, nous explique-t-il après un périlleux rapprochement avec le décès de la petite Mawda, tuée accidentellement lors d’un contrôle de police qui a très mal tourné, Théo Francken, secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations, tente d’utiliser la justice au bénéfice de sa politique migratoire. On pourrait lui rétorquer que pour ce qui est d’instrumentaliser les drames humains à des fins politiques, il n’a de leçons à recevoir de personne, il en a même fait son principal business. Seulement il y a un distinguo de taille : quand Alexis Deswaef instrumentalise la misère humaine, c’est par solidarité, tandis que que quand c’est Théo Francken, c’est pour nous faire revivre les inépuisables heures les plus sombres de notre histoire.
Bref, selon maître Deswaef, ce procès est une pure manœuvre politique, en pleine période électorale, afin d’attirer plus encore de Flamands vers le vote N-VA.
C’est possible.
Mais il est également possible que les journalistes, même de la presse féminine, ne soient pas au-dessus des lois.
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