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Gérard Leclerc: journaliste de confiance

Ses principes étaient ceux d’un honnête homme, pas ceux d’un éradicateur.


Gérard Leclerc: journaliste de confiance
Gérard Leclerc, en 2022. ©Woytek Konarzewski/SIPA

Philippe Bilger rend hommage à Gérard Leclerc.


Gérard Leclerc, journaliste à Cnews, mort le 15 août alors qu’il pilotait un avion. Il était en compagnie de la fille de René Monory et d’une amie de celle-ci, pour rejoindre La Baule après être parti de Loudun. Les circonstances de cette tragédie demeurent encore inconnues et sa cause inexpliquée.

Les hommages ne cessent pas depuis l’annonce de sa disparition et ils sont parfaitement légitimes. Rien ne serait moins approprié, au sujet de cette personnalité, que de s’abandonner aux propos de tristesse convenue, à un chagrin sincère mais peu ou prou conventionnel dans un univers politique et médiatique habitué, face à de tels drames, à des hyperboles réflexes.

Car Gérard Leclerc était le contraire de l’hypocrisie. Dès que j’ai eu la certitude de sa mort, effondré, je me suis dit qu’on venait de perdre un être rare qui pour moi se caractérisait par une inflexible gentillesse.

Gentillesse, qualité évidente, immédiate pour tous ceux qui avaient la chance de le connaître médiatiquement et, encore davantage, dans la sphère privée où il révélait une drôlerie et une autodérision exceptionnelles.

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Ecoute, bienveillance, attention à autrui. Moi qui ai eu la chance souvent de débattre avec lui, sous l’égide réactive de Pascal Praud, j’ai d’abord été séduit par sa manière courtoise de dialoguer. Il n’avait pas ce verbe haut de ceux qui ne sont préoccupés que d’eux-mêmes.

Cette disposition d’esprit le conduisait, contre la tentation qui pouvait me saisir de dire du mal d’autres médias, à se retenir, non pas au nom d’un quelconque corporatisme mais par un souci de mesure et presque de dignité : il est clair que les attaques personnelles, acides, délicieusement partiales n’étaient pas son genre. Je l’appréciais pour cette différence qui me donnait parfois mauvaise conscience.

Mais sa gentillesse était inflexible, elle n’avait rien d’une quelconque mollesse. Rien ne le faisait plier quand il estimait, sur le plan des idées et des analyses, avoir raison, qu’il affirmât spontanément son opinion ou qu’il résistât à un consensus apparent. Le souci de la vérité l’animait et il ne faisait jamais céder celle-ci sous la pression de ce qui pouvait sembler un point de vue dominant. Il n’avait peur de rien, et surtout pas d’être juste et équilibré. Il avait le courage de la nuance, l’audace de la mesure, il détestait les facilités de la provocation systématique. Ses valeurs et son éthique, si elles le guidaient dans les échanges qui, avec lui, n’étaient jamais de charretiers, ne lui interdisaient pas pourtant d’attacher le plus grand prix à la liberté d’expression. Ses principes étaient ceux d’un honnête homme, pas ceux d’un éradicateur. Je me trouvais assez souvent en accord avec lui parce que, sans oser me comparer, je le rejoignais dans sa volonté d’être au plus près de l’infinie complexité de la réalité. Il n’ignorait pas que son comportement intellectuel, si rare dans un univers tout de noir et blanc, était vilipendé honteusement par certains sur les réseaux sociaux mais son seul honorable « narcissisme » était de se vouloir à toute force authentique, de « tenir » contre les industriels et exploiteurs de l’outrance.

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Qu’une personnalité comme la sienne fût lucidement fidèle à CNews était véritablement un gage de la qualité, de l’intégrité et de la liberté de cette chaîne.

C’est peu de dire que Gérard Leclerc va manquer partout où son humanité, son intelligence et sa magnifique modération sont passées.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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