Perlefter, histoire d’un bourgeois, roman inédit de Joseph Roth survole toute la rentrée littéraire. Même inachevé, ce texte frappe fort et vise juste, au cœur des passions tristes de notre temps. Retour inespéré vers l’un des plus grands écrivains du xxe siècle.
Laissés quelques instants sans surveillance, les élèves de la rentrée littéraire sont dissipés. Un brun au regard triste, qui plaît beaucoup aux filles, parle de yoga. Il prétend dire toute la vérité et ajoute… « ou pas ? ». La question semble passionner le cercle qui l’entoure. Quelques rangs plus loin, un autre groupe d’admiratrices s’est formé autour d’un beau garçon à la parole facile. Il tire à boulets rouges sur son père, son beau-père, son ex, il cite Spinoza et ponctue ses phrases d’un « je sais, je ne suis pas à plaindre » que son auditoire juge « trop chou ». Au premier rang, une élève évoque des abus sexuels dans les vestiaires et, près du radiateur, plusieurs inconnus pestent contre le manque de reconnaissance. Hypnotisée par son propre vacarme, la classe n’a pas vu arriver le proviseur, un petit homme à la démarche et au regard flous, silhouette fragile vêtue d’un costume constellé de taches. Il entre. Le silence se fait. C’est Joseph Roth. Une hiérarchie venue de loin s’impose soudain dans cette scène tirée du Petit Nicolas ou, plus vraisemblablement, des Sous-doués. Le
