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Affaire Daval : comment perdre une bonne occasion de se taire

Avocats de la défense et Marlène Schiappa sont tous trois sortis de leur rôle...


Affaire Daval : comment perdre une bonne occasion de se taire
Marlène Schiappa à l'Assemblée nationale, novembre 2017. SIPA. 00831082_000008

L’actualité peut provoquer de temps en temps des bouffées de désespoir lorsque l’on est attaché au respect des principes qui régissent les procédures judiciaires. La justice est actuellement soumise à des pressions médiatiques et politiques tout à fait insupportables, et le seul espoir que l’on peut entretenir devant le dévoiement des médias, l’hystérie des réseaux et la lâcheté des politiques, c’est que les magistrats réussissent à conserver leur sang-froid.

Pour les politiques, on citera l’exemple de la direction des Républicains (LR) qui demande la démission de Darmanin de son poste de ministre, joignant ainsi sa voix à l’opération manigancée par Caroline de Haas, dont chacun a pu relever à la fois la violence et l’invraisemblance. La bêtise le dispute à la mesquinerie, puisqu’il s’agit de se venger de la trahison du maire de Tourcoing, sans mesurer le danger auquel les dirigeants LR s’exposent eux-mêmes.

Avocats de la défonce…

Pour les avocats, on se demandera quelle mouche a piqué ceux du mari d’Alexia Daval, Jonathann, aujourd’hui accusé du meurtre de sa femme. Convoqué et mis en garde à vue il a été assisté par deux « défenseurs ». Il avait commencé par nier les faits qui lui étaient reprochés. Aussitôt, à la surprise générale nos duettistes se sont précipités devant caméras et micros pour nous dire à quel point leur client était dans la nasse et la lourdeur des charges qui pesaient contre lui. On a entendu en substance : « il nie toujours, mais ne vous inquiétez pas, en fonction de ce que l’on a vu dans le dossier, il est drôlement dans la seringue. » Ambiance garantie, et des médias stupéfaits pour être ensuite absolument ravis. A priori, des artistes comme ça ne courent pas les rues. Bis repetita lorsque leur « client », toujours en garde à vue, est passé aux aveux : ils n’ont eut de cesse que de refiler le scoop aux médias et se sont précipités à nouveau devant les caméras pour décrire le contenu de leur dossier, avec force détails. En annonçant à grand son de trompe le déferrement devant le juge d’instruction et la mise en examen. La recherche de leur quart d’heure de gloire warholien ?

On a envie de rappeler certaines choses à ces confrères : le secret professionnel, l’intérêt du client, la dignité, la simple pudeur. Jamais entendu causer ? Pour mémoire, la défense s’exerce dans l’espace où votre « client » va être jugé, c’est-à-dire le prétoire. Pas chez Hanouna ou Ardisson.

…et défonce de la défense

On apprend que Marlène Schiappa a été, elle, très fâchée de la défense de Jonathann Daval. Et elle ne l’a pas envoyé dire. On pourrait être un peu formaliste et objecter qu’une secrétaire d’État en exercice serait bien avisée de se taire sur un fait divers qui vient de se produire et dont la justice est saisie. Ce fait divers provoque, et c’est bien normal, une certaine émotion populaire, qu’il n’est pas très digne qu’un ministre attise en jetant huile sur le feu et sel sur les plaies.

Surtout lorsque l’on sait d’abord que ce n’est pas Jonathann Daval lui-même qui s’est exprimé. Ce sont ses avocats, se trompant à mon sens de côté de la barre, qui se sont étalés dans les médias, en y faisant un peu le boulot du procureur. Et puis les déclarations de Daval et de sa « défense », ce sont les magistrats saisis qui en sont destinataires au premier chef. S’il y a des gens qui ont des observations à faire, ce sont eux. On y ajoutera la famille, les avocats de partie civile et le parquet.

Le problème, c’est que la secrétaire d’État à la condition féminine a voulu faire passer sa contrebande. Une contrebande soi-disant féministe particulièrement mal placée. «L’idée, c’est de dire qu’à chaque fois qu’une femme est victime de violences sexistes ou sexuelles et ici d’un féminicide, on trouve des raisons  qui justifieraient le fait que cette femme ait été victime. On fait comme si la victime elle-même était coupable d’avoir été victime », a commenté Marlène Schiappa.

Au bon souvenir de Jacqueline Sauvage

C’est curieux, ça me rappelle quelque chose. L’histoire de Jacqueline Sauvage, meurtrière de son mari abattu de trois balles dans le dos, et condamnée pour cela deux fois de suite à 10 ans de réclusion criminelle. Eh bien, chère Madame Schiappa, on avait trouvé « des raisons qui justifieraient le fait que » cet homme (le mari de Madame Sauvage) « ait été victime d’un meurtre ».

Un lobbying furieux du néo-féminisme victimaire, à l’aide de mensonges et d’impostures, a réussi à imposer l’idée que le mari de Jacqueline sauvage était coupable d’avoir été victime. Au-delà de la mort, et contre l’évidence des faits, il a été présenté comme ayant brutalisé sa femme pendant 47 ans et s’être livré à des actes sexuels sur ses enfants. Cette présentation était parfaitement mensongère, comme l’avaient établi les débats devant cour d’assises, et comme vient de le démontrer la publication d’un livre. Elle a pourtant permis de transformer une meurtrière en victime. Et à des parlementaires sans principe de déposer des propositions de loi pour restaurer une « légitime défense différée », pur et simple permis de tuer. Et à un président de la République, jamais en retard d’une veulerie, d’accorder une grâce indue. Perçue d’ailleurs comme une insulte par les magistrats. Des « victimes » à géométrie variable suivant le sexe ?

Alors, Madame la secrétaire d’Etat, soyez assez aimable pour éviter de raisonner comme un tambour, pour vous occuper des missions qui vous incombent et pour laisser la justice faire son boulot. Et Jonathann Daval conduire sa défense comme il l’entend. En lui espérant d’ailleurs, quoi qu’il ait fait, une défense digne de ce nom.

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