Notre chroniqueur, qui a gardé une âme d’enfant, est allé voir pour nous le dernier film de Keanu Reeves, John Wick Chapitre 4. Verdict: c’est le cinéma rendu à son essence première, le mouvement perpétuel.
Attention, divulgâchage: au dernier plan, John Wick est enterré à côté de son épouse (morte juste avant le début du John Wick initial), la caméra enfin s’arrête sur un plan fixe sur une pierre tombale, « John Wick Loving husband » — et le film est terminé. Jusque-là ça n’a pas cessé de virevolter, dans une chorégraphie sanglante qui nous rappelle que le mot cinéma vient du grec κίνημα, qui signifie mouvement. Et que tous ces films soi-disant introspectifs, plans fixes qui n’en finissent pas et introspections à deux balles, sont la négation de ce qu’est vraiment le cinéma : le train entre dans la gare (de la Ciotat, celle de Black Rock chez John Sturges ou dans l’Ouest de Sergio Leone), et l’action est tout entière dans cette menace : un homme descend du train, et enfourche un cheval — par exemple au début de Et pour quelques dollars de plus.
Le cinéma, ça bouge — et Chad Stahelski a fait très fort. John Wick bouge tout le temps, ce qui fait qu’on ne voit pas passer les 2 heures ½ du film. Un régal, après tant de films français immobiles.
Vers la fin du premier tiers du film, le grand acteur japonais Hiroyuki Sanada demande à John Wick d’en tuer « le plus possible ». Croyez-moi, le héros fait de son mieux. Rien que dans la scène sublimement chorégraphiée tournée autour de l’Arc de triomphe de l’Etoile, « Baba Yaga » — son surnom chez les Russes qui l’ont jadis vu tuer « three men with a fucking pencil » — envoie dans l’autre monde une bonne cinquantaine de malfaisants.
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C’est un film de mondialisation de la violence. New York, Berlin, Osaka, Paris: la série se clôt sur le cadavre du héros alangui sur les marches du Sacré-Cœur. Et là aussi, dans la rue Maurice Utrillo, tout en escaliers — j’y ai des souvenirs essoufflés de joggings matinaux, dix ans durant —, ça flingue sévère. Comme on peut s’y attendre, ces pétarades n’éveillent aucun flic parisien : c’est du cinéma, voyons !
Comme il est conseillé de subir tout le générique final — une surprise vous attend à la fin —, vous constatez que la liste des cascadeurs est très fournie. Chad Stahelski le fut lui-même dans une vie précédente, il fournit de quoi s’occuper à ses confrères. À pied, en moto ou en voiture, il fracasse le matériel métallique ou humain. Et plus ça meurt, plus on en redemande. Le cinéma rendu à son essence, et le drame à sa fonction première, la catharsis : on sort meilleur d’un film aussi sanglant, où tant de gens sont morts à notre place, et où le héros en tue autant que nous aimerions le faire.
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Dans la même journée, je suis allé voir The Fabelmans, sorti il y a déjà quelque temps, mais j’avais longtemps hésité, Spielberg m’a souvent déçu. Eh bien, c’est un film formidable, formidablement joué, une autobiographie rêvée qui donne envie d’écrire la sienne — non, pas une autofiction à la française ! Rien que pour la séquence où John Ford (oui, le John Ford de La Prisonnière du désert, joué par David Lynch soi-même avec gourmandise et conforme à ce que vécut Spielberg il y a soixante ans) explique au jeune héros où doit se situer, dans le plan, la ligne d’horizon, il ne faut sous aucun prétexte rater ce petit chef d’œuvre qui permet à Michelle Williams un numéro anthologique.
Les Américains n’ont pas fait un accueil enthousiaste au film de Spielberg — comme ils ont renâclé devant ce chef-d’œuvre phénoménal qu’est Babylon. C’est un peuple à QI insuffisant pour saisir tous les aspects méta-cinématographiques, ce lot de références subtiles qui épanouissent le cœur du vrai cinéphile et provoquent l’incompréhension du connard moyen. Mais il ne peut être tout à fait mauvais, il fait un triomphe à John Wick Chapter 4.
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