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John Bolton persiste et signe (2/5)

La douteuse politique extérieure de Trump


John Bolton persiste et signe (2/5)
John Bolton présente son livre à USA Today (c) Jasper Colt-USA TODAY/Sipa USA /30105194/usa/2006221513

John Bolton revient sur les grands dossiers internationaux du mandat de Donald Trump : Russie, Iran, Syrie, etc.


 

La première partie de l’article est à retrouver ici.

Dans un texte dense et détaillé de 570 pages, l’ancien NSA (conseiller à la sécurité nationale), l’ambassadeur John Bolton, raconte les 17 mois passés au sein de l’administration du président Donald Trump. The Room Where it Happened, la pièce où tout s’est passé, est en fait le vaste monde où se déroulent les relations étrangères. Ce document permet de juger sur pièces un président hors normes … ou en-dessous de tout.

L’auteur raconte, pour chaque dossier, l’élaboration d’une stratégie—en étroite collaboration avec John Kelly, chef du cabinet, Mike Pompeo, Secretary of State [ministre des affaires étrangères], James Mattis, Secretary of Defense et le président— son application, les embûches, les conséquences.

Bachar al Assad utilise des armes chimiques… encore une fois

Bolton est à peine installé dans ses meubles quand le dictateur syrien attaque l’opposition avec des armes chimiques. Le président américain annonce par tweet qu’il ne fera pas comme Obama, qui avait tracé une ligne rouge pour la recouvrir aussitôt de sable frais. Bolton consulte alliés et collègues. La France et le Royaume Uni sont partants pour une opération militaire, Mattis prépare une gamme d’options. Trump hésite, Macron se dit prêt à y aller seul. Quant au choix des cibles, le président français estime que le minimum serait trop faible et le maximum trop agressif. Il opterait pour celui du milieu. « Je ne sais pas, dit Bolton, ce qu’il voulait dire. Est-ce qu’il le savait lui-même ? Il faisait peut-être du cinéma ». 

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Trump, lui, pense qu’on devrait se débarrasser des coûts et des complications en remplaçant la présence américaine en Syrie par une « OTAN » arabe, qui assumerait l’opération militaire et son financement ! Entre Mattis qui, selon Bolton, pipe les dés contre une réponse musclée, et Trump, qui se tord en contradictions, la réaction tombe comme un cheveu sur la soupe, sans impressionner Assad ni servir de base à une politique cohérente en Syrie.

Retrait du JCPOA, l’Iran deal

Bolton déplore l’absence, plus d’un an après la prise de fonction de Trump, d’une équipe stable et d’une politique claire face aux provocations iraniennes. Son but immédiat est de finaliser le retrait du JCPOA – décidé mais toujours reporté – tout en gardant un bon rapport avec les alliés européens déterminés à sauver cet accord. Le 24 avril, Brigitte et Emmanuel Macron arrivent pour une visite d’Etat, que la première dame voudrait aussi somptueuse que la réception des Trump à Paris en juillet 2017. Lors d’un long entretien en tête à tête, Macron, parlant anglais, essaie de persuader son homologue américain d’améliorer le JCPOA, que « no one thinks is a sufficient deal», mais Trump le déçoit. Ce sera un retrait sec avant la négociation d’un nouveau deal.

Mais le problème avec l’Iran ne s’arrête pas là. Les ambitions nucléaires de la théocratie iranienne, dit Bolton, sont encore plus graves que celles de Kim Jong Un. Le président est distrait, impulsif, erratique et peu fiable. Toujours sévère à l’égard d’Obama, Trump finit par le suivre, d’abord par aversion pour les engagements étrangers, ensuite par un calcul du rapport coût/bénéfices défavorable aux USA.

Rencontre au sommet à Singapour

À peine sorti d’un mauvais deal, Trump se précipite vers un autre : le sommet avec Kim Jong Un. Bolton, Kelly et Pompeo tentent en vain d’empêcher le président de faire de graves erreurs, mais il s’imagine régler au cours d’un seul sommet le deal qu’aucun, avant lui, n’a pu réaliser. Le premier ministre japonais arrive à Mar-a-Lago pour parler des échanges commerciaux et des relations avec la Corée du Nord. Abe et Trump sont d’accord sur une politique ferme… sauf que Pompeo est en train d’organiser le sommet Trump-Kim Jong Un !

Le sommet est prévu les 12-13 juin. Trump pousse Bolton, lors de ses interventions dans les médias, de « me couvrir d’éloges, parce que ce que je fais, c’est extraordinaire. Moon va me proposer pour le Nobel de la paix »!  Bolton se dit que tout ce « fandango » est le fruit de la « sunshine politique » [soyons gentils] du leader sud-coréen. Kim a vite compris comment embobiner Trump qui, lui, s’imagine les négociations théâtrales autour d’une histoire d’amour entre deux chefs d’États merveilleusement atypiques qui sauront réussir l’impossible. L’équipe rapprochée du président tente en vain de le briefer sur les réalités géopolitiques, le premier ministre japonais rappelle qu’il ne faut pas brader les meubles, mais Trump s’amuse comme un gamin dans un parc d’attractions. Il admire Kim, « un homme bien, malin, secret, sincère et haut en couleur ».

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Suite à un accroc diplomatique, le sommet de Singapour est annulé, puis brusquement reprogrammé, à l’insistance du président américain. Au sommet, Trump se hâte de faire des concessions, notamment la suspension des exercices militaires avec la Corée du Sud… une réduction des frais, qui plaît au président-hommes d’affaires. Il confie à Kelly, Pompeo et Bolton qu’il savait dès le premier jour du mandat que ce genre de deal serait fastoche pour lui. Le président et le dictateur tout sourire se félicitent mutuellement d’être les seuls à pouvoir régler l’affaire. C’est quoi, notre secret, demande Kim. Tous les autres étaient stupides, répond Trump.

Au retour à Washington, Trump annonce par tweet que c’en est fini de la menace nucléaire nord-coréenne. Fastoche, comme il l’avait dit. Laissant le président à sa joie, Pompeo s’entretient à Pyongyang avec son homologue, l’homme fort Kim Yong Chol, qui dénonce une demande de dénucléarisation unilatérale digne d’un gangster. Des mois passent sans le moindre progrès. Trump s’impatiente, se lance dans des riffs : pourquoi la guerre de Corée, pourquoi le maintien de bases militaires, des exercices militaires, on nous prend pour des pigeons, ça coûte cher et ainsi de suite. Toujours aussi sourd aux conseils de son équipe, Trump poursuit l’échange de lettres « oléagineuses » avec Kim et se propose de l’inviter à la Maison Blanche. Bolton est sûr qu’après les élections de mi-mandat « le train de concessions roulera à grande vitesse ».

Rencontre Trump-Poutine à Helsinki

L’équipe craint, comme d’habitude, les faux pas du président. Briefé, préparé, coaché, il part tout de même en vrille dès qu’il se trouve face à son interlocuteur. Bolton redoute de laisser le président seul face à son homologue russe, qui est confiant, posé, et connaît les dossiers. Fiona Hill (devenue par la suite témoin clé dans l’enquête d’impeachment) présente pendant le long entretien en tête à tête, au cours duquel Trump lui a interdit de prendre des notes, dit que Poutine a monopolisé 90% de la conversation.

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L’entretien est suivi d’une conférence de presse désastreuse où Poutine dit qu’il souhaitait la victoire de Trump en 2016, parce qu’il avait promis d’améliorer les relations russo-américaines. Trump balbutie : Mes gens sont venus me dire « C’est la Russie [qui s’est mêlée aux présidentielles américaines], Poutine m’a dit les yeux dans les yeux que ce n’est pas la Russie, ce qui me semble logique, après tout, pourquoi ce serait la Russie, mais je voudrais quand même voir le serveur, mais j’ai confiance en tous les deux… mes services secrets… mais le démenti du président Poutine était très fort, très puissant. » Kelly et Bolton sont tétanisés ! De retour à la Maison Blanche, Trump rétropédale, prétend qu’il avait voulu dire « il n’y a pas de raison que ce ne soit pas la Russie ». Bolton s’imagine Poutine se tenant les côtes de rire de son exploit à Helsinki.

Sommet de l’OTAN à Bruxelles

C’était visible à l’œil nu en temps réel : le président américain était ronchon au sommet de l’OTAN. John Bolton confirme et nous donne l’envers du décor. À son avis, l’apport de la grande puissance américaine à l’opération de l’alliance est justifié par la défense des intérêts nationaux. Trump ne veut plus gaspiller de l’argent pour défendre une Europe ingrate. Il menace de quitter l’OTAN, confond le budget défense des membres avec la contribution aux frais de fonctionnement dont « 90% sont réglés par nous » (un chiffre, selon Bolton, probablement inventé). Trump tempête, prétend que le budget de l’OTAN est fixé par le méchant Junker qui déteste les USA. La tirade enfle : il en a marre d’être arnaqué par les Européens profiteurs qui ne veulent pas acheter nos produits, maintenant c’est fini, notre pays était dirigé par des idiots, c’est fini, s’ils veulent qu’on soutienne l’OTAN, ils ont intérêt à l’améliorer le déficit commercial…

Bolton avait tenté de finaliser la déclaration de fin de sommet à l’avance pour éviter la débâcle du G7. Il remarque en passant que les Français ont pour habitude, dans les rencontres internationales, de refuser de signer le communiqué si leurs demandes n’ont pas été satisfaites.

Au déjeuner de travail à Londres, on parle Brexit, Corée du Nord, Chine. Trump exulte : lors de sa visite en Chine, en novembre 2017, il a été accueilli par 100 000 soldats, « Il n’y a jamais rien eu de semblable dans l’histoire du monde. » Il y a aussi l’Iran, l’Afghanistan, l’Ukraine …

La troisième partie de l’article est disponible en cliquant ici 

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