Qui sera le prochain Andreï Jdanov?
À partir des années 1930, sous l’impulsion d’Andreï Jdanov, secrétaire général dans les rangs des bolcheviks, compagnon de route et très proche collaborateur de Staline, l’art et la culture doivent jouer un rôle essentiel dans l’éducation idéologique des masses. Les intellectuels, les artistes, les journalistes ne doivent nullement s’éloigner de leur fonction d’« ingénieurs des âmes », tout écart étant puni comme il se doit : la censure de l’auteur, l’interdiction d’écrire et de créer, le bannissement, l’arrestation, le goulag ou même la condamnation à mort. Il n’y qu’une Vérité – socialiste – et qu’une culture, la culture officielle dictée par le Parti et qui exprime le « réalisme socialiste », sous le contrôle des censeurs, des apparatchiks propagandistes et autres sbires à la solde de Jdanov. À la fin de la guerre, le jdanovisme a profondément imprégné la campagne anti-occidentale que l’URSS et les autres pays communistes ont menée pendant toute la période de la guerre froide, bien après la mort de Jdanov en 1948.
Antiracisme, théorie du genre: une seule vérité?
Bien sûr, on ne peut établir de comparaison avec qui se passe actuellement dans certains pays d’Occident, notamment en Amérique. Cependant, certains signes font sursauter. Par exemple, lorsque le nouveau président américain, Joe Biden, suggère, à l’occasion de son discours d’investiture, qu’il existe une seule « vérité », il faut comprendre le « progressisme », et que ceux qui sont contre sont aussi les ennemis de l’Amérique, le message a de forts relents d’idéologie. Il s’appuie sur une très grande partie de l’Amérique politique, culturelle, universitaire et des médias qui ont nettement pris le virage de la pensée correcte. Statues déboulonnées, noms de rues changées, intellectuels et professeurs mis au pilori, les actions de « nettoyage » de la culture sont de plus en plus nombreuses et n’ont pas beaucoup à envier au jdanovisme des années 1930 qui honnissait et censurait tout ce qui était considéré comme appartenant à la « culture bourgeoise ».
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D’ailleurs, les premiers décrets de Joe Biden témoignent bien de sa politique « progressiste » avec par exemple l’annulation de la Commission 1776 mise en place par Trump. Cette commission venait de rappeler les principes fondateurs de la nation et de la Révolution américaine, en réaction aux délires révisionnistes du Projet 1619 du New York Times pour lequel cette Révolution n’avait eu d’autre but que de préserver l’esclavage. Dans la même veine, il a signé un décret dans lequel, au nom de la lutte contre les discriminations, il nie les différences entre les genres et préconise que les enfants soient éclairés contre les « stéréotypes sexuels ». Dans le domaine du sport, entre autres, il n’y aura plus de différences ou séparation hommes/femmes. Biden réintroduit la discrimination positive des années Obama, source de nombreuses tensions et inégalités dans le secteur de l’éducation et sur le marché du travail. Lorsqu’il a dévoilé la composition de son cabinet, Joe Biden a insisté sur la « diversité » de ses membres. Il n’a pas été question de compétences mais de différences ethniques.
Awomen
Parallèlement, à la Chambre des représentants, la présidente Nancy Pelosi a fait voter de nouvelles directives en matière de langue. Des mots tels que « lui-même » et « elle-même » doivent être remplacés par un seul : « eux-mêmes ». Rayés, les mots « père », « mère », « fils », « fille », « frère », « sœur », « oncle », « tante » et d’autres termes familiaux : seuls sont admis, et admissibles, « parent », « enfant » et « sibling » (pas de traduction exacte en français). Mme Pelosi a aussi créé un nouveau « comité restreint sur les disparités économiques et l’équité dans la croissance », dont le vrai rôle est de justifier des impôts plus élevés et un État plus interventionniste. La séance à la Chambre s’est terminée par un « Amen » suivi de … « Awomen ». De quoi y perdre littéralement son hébreu…
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Parmi les mesures qui rappellent les purges soviétiques figurent celles prises par plusieurs universités américaines. Harvard refuse les étudiants asiatiques et privilégie les afro-américains. L’Université de Chicago introduit des cours obligatoires de « culture noire ». Même les écoles s’y mettent. À San Francisco, pas moins de 44 écoles ont changé de nom. Fin janvier, le San Francisco Unified School District (SFUSD) a décidé ce chambardement pour obéir à des critères « progressistes et antiracistes ». Virés des frontispices, Abraham Lincoln, George Washington, Thomas Jefferson, Daniel Webster, Paul Revere… Leur tort ? Ils n’ont pas combattu l’esclavage (les censeurs ont visiblement oublié que Lincoln a bien mené la guerre qui a mis fin à l’esclavage) et leur engagement politique n’aurait pas été suffisamment « progressiste ». Parmi les victimes de la purge figure aussi Diane Feinstein, qui est encore en vie, ancienne sénatrice et maire de San Francisco. Elle avait commis le crime, lorsqu’elle était encore en fonction, de remettre en place le drapeau des Confédérés vandalisé dans un musée. Mieux encore, on a décrété que les admissions sur concours dans ces écoles de San Francisco étaient ni plus ni moins… racistes. La minorité noire n’étant pas suffisamment représentée, le concours a été supprimé. L’admission se fait désormais selon des critères raciaux. Le réalisme socialiste éliminait, lui aussi, ceux qui n’avaient pas des origines « saines », c’est-à-dire ouvrières ou paysannes…
Vandalisme progressiste
Les noms de rues et même d’universités sont remplacés par d’autres noms qui ne « portent pas atteinte à la dignité des minorités ». Thomas Jefferson, Benjamin Franklin et Christophe Colomb (dont la statue a été abattue même dans la ville de… Columbus-Ohio) sont les victimes du vandalisme progressiste et deviennent des parias au pays de la pureté idéologique et raciale.
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Au moins aussi grave, certains médias apportent leur contribution à la diffusion de cette politique, quand ils ne l’encouragent pas. Des éditorialistes sont obligés de démissionner pour avoir écrit et publié des articles qui ne correspondent pas aux doctrines à la mode. Comme James Bennet, chef de la rubrique Opinion du New York Times, parce qu’il a publié une tribune d’un sénateur républicain et conservateur. Un éditorialiste célèbre du Philadephia Inquirer, Stan Wischnowski, a été lui aussi contraint à la démission parce qu’il avait choisi un titre jugé offensant à l’égard des militants Black Lives Matter qui vandalisent des immeubles : « Buildings Matter, too » (« Les Immeubles comptent aussi… »). Le journal a d’ailleurs fait son mea culpa pour l’avoir publié. On comprend aisément par qui. Une autre éditorialiste du New York Times, Bari Weiss, est partie à cause de la pression que lui faisaient subir ses collègues et de la censure de gauche qui l’empêchait de faire correctement son travail. Elle n’était pas assez « progressiste ».
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Le célèbre The New York Times vient de proposer à l’administration Biden de mettre sur pied une « agence » ou un « groupe de travail centralisé » pour lutter, en collaboration avec les grands réseaux sociaux, contre la « désinformation » et « l’extrémisme », c’est-à-dire contre tout ce qui n’est pas conforme à la propagande officielle. Avec à sa tête un « reality czar », il s’agirait de contrôler l’information et les idées « subversives », de décider de ce qui est correct et de ce qui ne l’est pas. Reste à trouver cet apparatchik capable d’imposer le réalisme progressiste. Il doit bien y avoir quelque part parmi les grandes consciences de la juste cause, un apparatchik capable d’être aussi efficace que le sinistre Jdanov.
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