Joe Biden semble mettre en place une administration centriste. Le démocrate sera investi le 20 janvier.
Après avoir comparé les sénateurs Ted Cruz (Texas) et Josh Hawley (Missouri) à Joseph Goebbels, et les voyous qui ont investi le Capitole à des « terroristes intérieurs », Joe Biden annonce qu’il aura la peau de la puissante National Riffle Association. Nancy Pelosi tente de « destituer » une seconde fois Donald Trump et travaille à une loi transgenre…
Pour l’administration démocrate qui prendra ses fonctions le 21 janvier et qui prétend vouloir rassembler l’Amérique, ça semblait mal parti. Pourtant, on s’aperçoit que la plupart des « ministres » et responsables nommés par Biden sont des modérés. Le 46e du nom sera-t-il un « président normal » ?
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Là où son farouche ennemi, Donald Trump, fait des discours incendiaires d’une heure sans note avec les conséquences que l’on sait, le futur président Biden semble à peine pouvoir lire son prompteur. Il se déplace difficilement et « fait » ses 78 ans. Aura-t-il l’énergie suffisante pour affronter les grands méchants de ce monde, aussi alertes que retors: Xi Jinping, Vladimir Poutine, l’Ayatollah Khamenei ou le sultan turc Erdogan ?
Il « envisage sérieusement » Bernie Sanders comme ministre du Travail, sachant ses positions radicales, et promet des permis de travail à profusion pour la Silicon Valley friande de spécialistes IT étranger…
Pour le moment, en tout cas, il réserve son fiel à certains de ses compatriotes, sans précaution oratoire. Il a ainsi insulté Ted Cruz et Josh Hawley, deux sénateurs républicains ayant exercé leur droit constitutionnel le 7 janvier dernier d’objecter le Collège électoral des Grands électeurs. « Mensonges, mensonges, mensonges » a-t-il clamé, les comparant au ministre de la Propagande d’Hitler, Joseph Goebbels. Ted Cruz s’apprêtait notamment à demander au Congrès un audit de dix jours sur « des allégations de fraude jamais vues dans sa vie » afin de restaurer la confiance ébranlée d’au moins 39% d’Américains dans leur système électoral.
Simples voyous ou terroristes intérieurs?
Après la « prise du Capitole », alors que Joe Biden a mollement condamné les antifas qui ont mis à sac et en feu des immeubles dans près de 200 villes américaines qui a entraîné la mort de 30 personnes (CNN a parlé de « protestateurs pacifiques »…), le prochain président compare les énergumènes trumpistes qui ont envahi le temple de la démocratie américaine à des « terroristes intérieurs ». Il converse au téléphone avec Arnold Schwarzenegger, républicain et ancien gouverneur de Californie, qui parle de « Nuit de Cristal » (qui fit 2 500 morts et 30 000 décès en déportation)… Quant aux comparaisons avec l’incendie du Reichstag, notons quand même que le Capitole est toujours en place et que ses marbres ont à peine été souillés. On est très loin de la révolution bolchévique…
Peut-on qualifier de « terroristes » (au sens des auteurs du 11 septembre par exemple) la vétérane tuée par un policier dans les bâtiments ou le viking blond à chapeau de corne qui est de toutes les manifestations ? L’enquête prendra des mois et alors que le FBI s’est enfin réveillé, il a été question un moment d’assimiler tous les militants MAGA (Make America Great Again) à des insurgés coupables de sédition, ce qui pourrait valoir à certains plusieurs années de prison voire 20 ans pour les cas les plus graves.
Une procédure de destitution humiliante
Alors que, selon Alan Dershowitz, professeur émérite de droit à Harvard, aucun crime suffisant ne peut être reproché en l’espèce à Donald Trump pour le destituer (rappelons que Trump exhorta les militants à « marcher pacifiquement sur le Capitole »), Joe Biden laisse le Congrès et Nancy Pelosi la mission de tenter d’éjecter Trump du Bureau ovale alors qu’il ne reste qu’une semaine avant son départ, sachant la rancœur que cela provoquera chez les Républicains (même s’il est peu probable que le 19 janvier le Sénat réunisse 67 sénateurs favorables à sa destitution). Un peu mesquin, Biden se réjouit que Trump ait refusé de participer à l’« inauguration » le 20 janvier alors qu’il s’agit d’un moment charnière pour une transition pacifique.
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Croit-il ainsi réconcilier l’Amérique ? Le 10 janvier, Biden annonce qu’il va s’attaquer à la National Riffle Association, lobby des armes à feu aux États-Unis, dont le droit de port est inscrit dans la Constitution et doit servir « lorsque l’État ne joue pas son rôle ». N’est-ce pas là aussi une déclaration de guerre ? Il « envisage sérieusement » Bernie Sanders comme ministre du Travail, sachant ses positions radicales en matière d’économie et de marché du travail mais finit par le préférer actif au Sénat. Biden promet des permis de travail à profusion pour la Silicon Valley friande de spécialistes IT étrangers, donnant l’impression que la priorité aux travailleurs américains n’est plus qu’un souvenir. Il promet que l’aide aux PME ira d’abord aux minorités raciales, alors que les « petits blancs » de la Ceinture rouillée du Midwest ont tout autant souffert du Covid-19…
Théorie du genre
Parmi ses alliées, à peine confirmée au perchoir de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi travaille à une proposition de loi transgenre pour que mother, father, son, daughter, mother-in-law, etc. soient remplacés dans les documents officiels par des termes non-binaires comme « parent » et « child ».
Fort de tous les pouvoirs (Sénat, Chambre, présidence) et soutenu par la majorité des médias et des réseaux sociaux, les universités, Hollywood, les agences de renseignements, la haute administration, Joe Biden va-t-il décevoir les Américains pressés de retrouver une vie politique et sanitaire plus ou moins normale ? Sortira-t-on le 21 janvier du climat hystérisé qui règne actuellement ?
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Ne faisons pas à Biden de procès d’intention car les nominations récentes qu’il a faites relèvent de la pondération. Selon le politologue Christopher Ruddy, en effet, Biden semble se diriger vers une administration très soft power. « Tony Blinken pour le secrétaire d’État et l’ancien général d’armée quatre étoiles Lloyd Austin pour la défense, montrent à quel point il veut être centriste et establishment. William Burns, 64 ans, pour succéder à Gina Haspel à la tête de la CIA, a pris de nombreux spectateurs par surprise. L’expérience de Burns est ancrée dans la diplomatie, et non dans le renseignement. Nommer Merrick Garland à la tête du ministère de la Justice en tant que procureur général est un des signes les plus clairs qu’il veut un centriste à la tête du ministère. Garland a raté de peu sa nomination à la Cour suprême. Il devrait résister aux sirènes de la chasse aux sorcières. Au Commerce, Gina Raimondo, centriste, vient d’une société de capital à risque. Enfin, à l’agriculture, Biden a fait appel à l’ancien gouverneur de l’Iowa, Tom Vilsack connu sous le nom de « M. Monsanto » et le conseiller Cedric Richmond a été sponsorisé par l’industrie du pétrole et du gaz. »
Par sûr que l’extrême-gauche qui plaçait en Biden de gros espoirs se satisfasse de choix aussi conventionnels… Biden, président normal ? Prenons-en l’augure.
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