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Joe Biden: une dernière gaffe pour la route?

« Deplorables » Saison 2


Joe Biden: une dernière gaffe pour la route?
Le président américain Joe Biden à Baltimore, 29 octobre 2024 © Pat Siebert/Maryland Governors/P/SIPA

En traitant les partisans de Donald Trump d’ « ordures », Joe Biden met Kamala Harris dans l’embarras. Il assure depuis que ses propos ne visaient que des personnalités de l’entourage immédiat du candidat républicain, notamment ceux qui rient aux blagues un peu racistes du comique Tony Hinchcliffe, lequel avait comparé Porto Rico à une « île flottante d’ordures » lors d’un meeting de Donald Trump dimanche. La polémique amuse et conforte par ailleurs toute une gauche américaine qui a rejoint Donald Trump, dont nous passons ici en revue les plus surprenants ralliements.


Lorsque vous êtes un “liberal” aux États-Unis, c’est que vous êtes plutôt de centre gauche, par opposition au camp conservateur. Depuis les années Obama, les “classical liberals” américains (c’est-à-dire les libéraux classiques) sont de plus en plus nombreux à voir d’un mauvais œil le durcissement de l’aile gauche du Parti démocrate, laquelle cède aux modes idéologiques les plus ubuesques : idéologie transgenre, promotion de la censure sur les réseaux sociaux, appel à ne plus financer la police, racialisme ségrégationniste, dépénalisation de certains types de vols, ouverture de la frontière nationale aux immigrés illégaux, interdiction d’exiger une pièce d’identité pour voter à certaines élections locales (dans un pays où il faut pourtant montrer une pièce d’identité pour pouvoir acheter de la bière…).

Garbage

Comme en France, la gauche a longtemps été perçue comme le camp des défenseurs de la liberté d’expression, de la tolérance et de la lutte pour les droits des plus précaires. La tendance s’est un peu renversée avec l’arrivée de Donald Trump au Parti républicain, mais aussi avec la profonde transformation du Parti démocrate. Les Américains les plus modestes sont de moins en moins nombreux à voir dans le Parti démocrate un allié évident, surtout dans les zones rurales. Et la liberté, principe historiquement si cher à tous les Américains, elle ne semble plus être une priorité pour le parti de Kamala Harris ou d’Hillary Clinton, qui a récemment appelé à plus de régulations de la parole sur les réseaux sociaux, afin de ne pas en « perdre le contrôle ».

Cette semaine, le président Joe Biden a traité de « détritus » (garbage, en anglais) les électeurs de Donald Trump. Il devrait pourtant se rappeler que beaucoup d’anciens électeurs de Barack Obama ou de Bill Clinton en font partie, s’estimant en désaccord avec la plupart des changements récents du Parti démocrate. En deux mots, ce qu’ils voyaient auparavant comme le parti du peuple est devenu pour eux le parti des classes urbaines supérieures.

La presse de gauche ne pardonne pas à des figures influentes comme Elon Musk, qui avaient toujours voté démocrate, de soutenir officiellement Donald Trump (qui, rappelons-le, votait lui aussi démocrate, dans sa jeunesse). Tulsi Gabbard, membre démocrate du Congrès, originaire d’Hawaï, très populaire auprès des électeurs de centre gauche, s’est récemment décidée à rejoindre l’équipe de Trump, considérant que son parti ne travaillait plus dans l’intérêt des classes populaires. La gestion gouvernementale des incendies géants de l’île de Maui, très critiquée à Hawaï, aura également motivé son engagement.

Vague populiste ? Oui, car le terme n’est plus un gros mot aux États-Unis. Le sentiment populaire d’être trahi par les bureaucrates de Washington grandit d’année en année. Par ailleurs, cette gauche est également reconnaissante envers Donald Trump d’avoir su débarrasser le Parti républicain des “faucons” néo-conservateurs ; ceux qui, sous l’administration George W. Bush, voulaient exporter la démocratie en bombardant des pays étrangers et en sacrifiant de jeunes soldats pour des causes perdues au Moyen-Orient. Ils se souviennent que leur pays ne déclencha aucune nouvelle guerre durant le premier mandat de Donald Trump. Et qu’il faut remonter à la présidence démocrate de Jimmy Carter pour se remémorer une période similaire dans l’histoire du pays.

Plus controversé encore, pour ses positions sur les vaccins et sur l’industrie pharmaceutique, le fils de Bob Kennedy, Robert Kennedy Junior, a lui aussi rejoint Trump après avoir abandonné tout espoir de contribuer à un retour aux sources du Parti démocrate, le parti de son père et de son oncle, John Fitzgerald Kennedy. Pour l’avocat et héritier de la dynastie, le Parti démocrate d’aujourd’hui trahit les idéaux autrefois défendus par JFK, quand ce dernier se battait contre les tensions raciales, contre la pauvreté et contre l’influence excessive des secteurs militaires et du renseignement.

L’auteur féministe Naomi Wolf, ancien soutien de MM. Clinton et Al Gore, a quant à lui décidé de rejoindre Trump après que les démocrates ont promu des restrictions drastiques durant l’épidémie de Covid-19. Le dramaturge David Mamet, de son côté, déçu par les politiques dites libérales de ces dernières années, est l’une des rares personnalités du monde du spectacle à voir dans la réélection de Trump une opportunité de s’affranchir d’un climat politiquement correct devenu étouffant, à Hollywood comme à Broadway. Le mouvement #WalkAway, fondé en 2018 par un ancien militant démocrate, Brandon Straka, cherche à faire porter la voix de tous ceux qui se sont éloignés du parti comme de l’extrême-gauche américaine, à cause de leurs prises de position trop radicales ou trop clivantes.

Noms d’oiseaux

Jamais le Parti républicain n’aura compté autant de démocrates, ni dans son équipe ni dans ses supporters. L’extrême gauche américaine compte bien faire payer cher ces ralliements à ceux qu’elle considère comme des traîtres. La rhétorique du discrédit n’en finit plus de s’exercer contre les soutiens de Trump : “fascistes”, “nazis”, “suprémacistes blancs” et autres noms d’oiseaux…

De son côté, Trump ne ménage pas la candidate démocrate, Kamala Harris, en la qualifiant de “vice-présidente merdique” et en la traitant d’incompétente, de “folle” ou encore de “personne stupide”. “Elle ne représente rien” a-t-il déclaré avec mépris. “Est-ce qu’elle boit ? Est-ce qu’elle est sous l’influence de substances ?” avait-t-il lancé lors d’un meeting, en référence aux qualités d’oratrice de sa rivale. Son humour grinçant et provocateur régale certains mais demeure clivant ou contre-productif pour tous les autres. En tout cas, sa personnalité outrancière et ses propos incendiaires qui contribuent grandement à la brutalité du débat démocratique américain, refroidissent toujours une large partie de l’électorat populaire, alors que ce dernier pourrait pourtant adhérer à son programme sur bien des points, en particulier sur les questions sociales. Les résultats de la semaine prochaine nous diront à qui cette rhétorique de l’insulte aura profité, si elle fonctionne toujours en Amérique.




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Metteur en scène et auteur dramatique.

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