Aux États-Unis, si l’on en croit les sondeurs qui s’étaient vautré la dernière fois, Joe Biden est le grand favori pour remporter la présidentielle à l’automne. Mais la campagne est encore longue, et Donald Trump espère créer la surprise avec sa majorité silencieuse…
Il est difficile de trouver sur la planète un homme politique à qui le malheur du coronavirus a été plus bénéfique qu’à Joe Biden ! Au plus mal dans la course à l’investiture du Parti démocrate pour l’élection présidentielle encore en février dernier, et en retard, notamment, sur le charismatique Bernie Sanders, l’ex-vice-président de Barack Obama a effectué un incroyable come-back au début du mois de mars, lors de sa prestation au fameux Super Tuesday[tooltips content= »Le 3 mars NDLR »](1)[/tooltips].
À cette occasion, il a remporté les votes dans 10 états sur 14, et est passé devant son rival principal. Et même si Sanders a résisté en s’imposant dans le plus grand État du pays (la Californie) et en faisant presque jeu égal au Texas, la dynamique de la victoire s’est installée du côté du Biden.
Bernie Sanders, cet inconnu…
Nous sommes alors au mois de mars. Des jours historiques. La réalité de la pandémie à laquelle nous n’avons pas voulu croire a fini par déclencher son impitoyable logique. Et Sanders apportera finalement son soutien à Biden mi-avril, en se retirant de la compétition.
Quand la peur gagne les esprits, le logiciel électoral change drastiquement. Il cherche les options les plus rassurantes et ne laisse pas de place aux expériences inconnues. Joe Biden est l’incarnation de la politique américaine que les gens connaissent et ont vu à l’œuvre. Ce n’est naturellement pas le cas du candidat indépendant du Vermont. La chaine CBS News a reporté que selon son enquête réalisée le 18 mars dans 2 états (Missouri et Michigan) les électeurs accordaient bien plus leur confiance à Joe Biden qu’à Bernie Sanders en cas de crise majeure : 61% contre 27% dans le premier État, 51% contre 32% dans le second.
Une élection sans aucun meeting
La vague de l’épidémie n’a pas simplement porté l’ancien vice-président des États-Unis vers une victoire très prématurée aux primaires démocrates. Elle lui a offert le luxe incroyable de passer le reste de la campagne électorale dans un bunker, sans dépenser ni l’énergie, ni les moyens que les meetings pompent sans compter en temps normal. Biden renonce même à tenir tout rassemblement avec ses supporters jusqu’au jour de l’élection de 3 novembre ! Et il voit malgré tout sa cote continuer de grimper dans les sondages des intentions des votes. C’est tout simplement inespéré pour ce bientôt octogénaire, qui a été l’objet des moqueries de son propre camp à cause de ses gaffes à la répétition (presque à chaque prestation publique) et de ses discours de plus en plus raccourcis… Les médias pro-républicains, à l’image de la chaine Fox News évoquent même la démence.
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Ils peuvent bien pérorer: le candidat démocrate et ses conseillers ont parfaitement compris que le mal du Covid-19 est devenu leur allié majeur, un ange gardien d’un véritable conte de fée, qui vient un jour et vous dit : « je t’amènerai à la victoire, tu n’as qu’à me suivre ».
Trump aux prises avec la crise sanitaire
La situation est devenue d’autant plus confortable pour le candidat démocrate que le président en fonction Donald Trump, le dernier « obstacle » pour accéder à la Maison Blanche, a pris une posture diamétralement opposée vis-à-vis de la pandémie. Habitué à gagner toutes les batailles, sorti miraculeusement de tous les pièges que les démocrates lui ont tendus tout au long de son mandat, et surtout fort de son bilan économique, Donald Trump n’a pas compris comment cette maladie contagieuse et immaitrisable a pu surgir sur son chemin.
Son erreur principale a été celle de tous ceux qui ont voulu établir un rapport de force avec le virus, le dominer ou défier sa puissance. Personne dans cette catégorie n’a été épargné : ni les scientifiques les plus respectables tel le professeur Raoult, ni les populistes frôlant le pathétique, tel le président du Brésil Jair Bolsonaro.
Le pouvoir de cet « ennemi invisible » qu’est le coronavirus, comme l’a qualifié Trump, a pris le visage d’un homme avenant et posé en personne de Joseph Robinette Biden Jr. Coté programme, le candidat démocrate ne prend pas beaucoup de risques non plus. Évidemment plus social que son rival, il promet d’augmenter les impôts pour les plus riches (39,6 % au lieu des 37% actuels pour les salaires au-dessus de 400 000 dollars par an) et pour les sociétés (l’impôt sur les sociétés passerait de 21% à 28%). Un peu plus de pression fiscale donc, mais pas trop non plus, comme on le note. Et surtout, sans chercher à être original, Biden veut marcher sur la voie bien pavée par son rival républicain du patriotisme économique. Avec un slogan : « Buy American ».
On est loin d’une ambition de rupture comme l’a fait Trump à son arrivée à Washington ou celle promise par le « socialiste » Bernie Sanders. En temps normal, dans une Amérique qui a déjà fait preuve des choix électoraux les plus audacieux, un choc Trump – Sanders aurait été spectaculaire, plein d’enseignements pour le monde entier. Une telle confrontation attendra : l’élection présidentielle américaine s’annonce comme une parenthèse ennuyeuse, comme celle dans laquelle se trouve la planète depuis le mois de mars. Une parenthèse qui nous oblige à garder bonne distance avec tout ce qui nous passionne… Une parenthèse qui semble avoir trouvé son ambassadeur en Joe Biden.
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