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Biden/archives: quand le singe veut monter au cocotier…

La Justice américaine temporise, embêtée


Biden/archives: quand le singe veut monter au cocotier…
Washington, le 17 janvier 2023 © Shutterstock/SIPA

«C’est du vent» se défend le président américain Joe Biden, alors qu’une affaire de documents confidentiels, retrouvés dans un garage privé, l’éclabousse. Ce scandale, similaire à celui de Donald Trump, est peut-être même plus embêtant, selon notre chroniqueur. Il est minimisé par le camp démocrate. Voilà ce que l’on sait.


La vie politique de Joe Biden va-t-elle bientôt s’achever pour remplir un carton d’archives, alors qu’il a négligé de rendre ou même de protéger les siennes ? C’est la question qui agite les États-Unis depuis quelques jours. Plusieurs pages de documents confidentiels et classés ont été d’abord retrouvées dans un placard de l’ancien bureau de Joe Biden au Penn Biden Center, un think tank de Washington alors que les avocats – selon leurs dires – vidaient les locaux. Puis, d’autres documents ont été découverts dans un garage de la propriété familiale des Biden à Wilmington, dans le Delaware. Les papiers remontent à l’époque où il était vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017. L’affaire fait désordre alors qu’une procédure vise l’ancien président Donald Trump pour des faits similaires.

Si Donald Trump a conservé sciemment des documents, sa résidence à Mar-a-Lago parait presque une forteresse à côté du garage des Biden…

C’est du vent pris très au sérieux

Pour sa défense, le président a dit vouloir « pleinement coopérer avec la justice » tout en prenant l’affaire « très au sérieux ». Pas si sérieusement manifestement: pas moins de six ans séparent ces révélations embarrassantes du départ de Joe Biden (et de ses archives) de la vice-présidence de la Maison Blanche ! La loi américaine spécifie que le titulaire d’une fonction administrative importante (« office ») doit remettre au moment de son départ tous les papiers qui concernent son exercice.

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Le président dit les avoir pris par inadvertance. L’impression laissée par les faits tels qu’ils sont reportés par la presse américaine de ces nouvelles péripéties reste celle d’une très grande distraction ! Les archives auraient été stockées dans le domaine de Wilmington, dans un garage dont la sécurité n’est pas garantie. La demeure familiale a vu passer des centaines de visiteurs depuis six ans – autant d’individus qui auraient pu entrer au contact avec de précieux documents. Hunter, le fils Biden, avait de surcroit indiqué cette maison comme lieu de résidence principale quand il a enregistré son arme auprès de l’État du Delaware. Notoirement fêtard et désinvolte, il est probable que ce dernier ait résidé à côté desdites archives, les mettant potentiellement au contact d’invités plus ou moins recommandables sans être lui-même en état de les protéger. Les visiteurs du président risquaient-ils vraiment de tomber sur les documents entreposés ? Les États-Unis ont déjà subi des attaques informatiques visant le renseignement et émanant de ses rivaux géopolitiques – toujours capables de ruse et d’ingéniosité. 

Mar-a–Lago, c’est une forteresse à côté du garage de Biden

Les Démocrates ne manquent pas de souligner qu’un petit nombre de documents sont concernés par cette affaire quand il s’agissait de plusieurs piles de documents chez Donald Trump. Mais dans la loi sur l’espionnage, ni le nombre de documents conservés, ni l’intention de le faire, ne sont cependant des circonstances immunisantes. Elle stipule que quiconque « par négligence permet que des informations classifiées soient retirées de leur lieu de conservation approprié (…) sera condamné à une amende ou à une peine de prison. » Analysons donc l’acte et sa gravité, plutôt que l’intention. Quand bien même la faute du président s’avérerait vénielle, « l’inadvertance » du président expose du même coup des secrets d’État aux yeux d’autrui. Si Donald Trump a conservé sciemment des documents, sa résidence à Mar-a-Lago parait presque une forteresse à côté du garage des Biden… Tout cela ne fait pas très sérieux et donne une nouvelle fois aux citoyens américains l’image d’un président en exercice pas franchement à la hauteur, alimentant les soupçons de sénilité que relaient complaisamment les médias conservateurs américains depuis son entrée en fonction.

La Justice américaine analyse les cartons de Trump

La bonne résistance du Parti Démocrate lors des élections de mi-mandat et la zizanie qui règne chez les élus Républicains (à qui il avait fallu 15 tours de scrutin pour élire le Speaker de la Chambre des représentants) avaient dernièrement offert un peu d’oxygène politique au président. L’affaire tombe mal pour lui alors que, selon les médias américains, il entendrait finalement briguer un nouveau mandat en 2024.  

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Avec cette affaire, les Démocrates regretteront peut-être de s’être présentés en chevaliers blancs. Tous ont en mémoire le « raid » du FBI forçant la résidence personnelle de Donald Trump le 8 août dernier et le coffre qui gardait des archives. Les déboires actuels de Biden sont une aubaine pour Trump, ils lui offrent peut-être de retrouver le statut de présidentiable… que lui avait dérobé à droite le gouverneur de Floride, Ron de Santis. Les documents saisis chez Trump comprendraient notamment la correspondance du président avec Kim Jung Un et certaines notices de programmes d’accès spéciaux (dits SAP) détaillant le protocole réservé aux opérations américaines sensibles. Depuis, ces documents sont stockés dans une mission par le ministère de la Justice le temps qu’il « réfléchisse à la manière de les analyser ».

Un peu d’histoire: les archives n’ont pas toujours été pieusement conservées et surveillées dans des dépôts. En 1194, en France, en plein conflit avec la dynastie anglaise et Plantagenet, le roi de France, le capétien Philippe II (« Auguste ») affronte Richard Cœur de Lion à Fréteval en plein Loir-et-Cher. Il porte avec lui ses bannières, ses sceaux et ses insignes. Tout cela est précieux et lui permet de rallier la noblesse rurale en attestant de ses droits. Il transporte même ses archives dans des charrettes qui le suivent. L’usage voulait qu’elles fussent itinérantes. Tant de paperasse ralentit son armée, alors que celle de Richard est plus légère et peut lancer charges de cavalerie sur charges de cavalerie… Finalement, le roi de France bat en retraite laissant derrière lui tout son dépôt d’archives que son adversaire fait brûler ! Affligé par cette perte, Philippe aurait alors décidé que les archives soient conservées dans un lieu fixe – le Trésor des Chartes, qui constitue encore le plus ancien dépôt des Archives Nationales. Pour elles, c’est le début de la sédentarité. Depuis, de l’eau a coulé sous les points et les présidents les dispersent à droite et à gauche, comme pour leur imposer un retour au « nomadisme ».




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