Accueil Politique Joachim Son-Forget, député LREM : « Je ne m’écraserai pas face à la meute »

Joachim Son-Forget, député LREM : « Je ne m’écraserai pas face à la meute »

Entretien exclusif


Joachim Son-Forget, député LREM : « Je ne m’écraserai pas face à la meute »
Joachim Son-Forget et Esther Benbassa. Sipa. Numéros de reportage : 00833963_000010 et 00831079_000010.

Après sa passe d’armes sur Twitter le soir de Noël contre la sénatrice EELV Esther Benbassa, le député LREM des Français de Suisse Joachim Son-Forget a été taxé de sexisme. La faute à ce tweet : « Avec le pot de maquillage que vous vous mettez sur la tête, vous incarnez plus que jamais ce que vous tentez maladroitement de caricaturer » parti d’une conversation sur les Gilets jaunes. Blâmé par son groupe parlementaire, le franc-tireur macroniste s’explique en exclusivité pour Causeur. Entretien sans langue de bois.


Daoud Boughezala. Depuis quelques jours, vous êtes accusé de sexisme pour avoir tweeté à la sénatrice EELV Esther Benbassa. : «Avec le pot de maquillage que vous vous mettez sur la tête, vous incarnez plus que jamais ce que vous tentez maladroitement de caricaturer.»  Vous vous défendez en expliquant avoir voulu faire une expérience de « psychologie cognitive » en lui envoyant 57 tweets en 97 minutes le soir de Noël.  Pourquoi un tel acharnement ? 

Joachim Son-Forget. Je n’ai pas fait une expérience. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! C’est concret ! J’applique certains principes issus de la psychologie évolutionniste, de la psychologie cognitive et des sciences sociales, dans mes stratégies politiques comme dans mes discussions inter-personnelles pour diverses négociations. C’est un travail d’une vie. Via les arts martiaux et l’éthologie plus jeune, où je suivais l’enseignement d’Henry Plée, j’en ai gardé son impertinence, son attrait pour la philosophie des hommes du blâme (une secte de l’islam où les gens agissent pour le bien en attirant l’opprobre sur eux), une admiration pour Diogène le cynique (qui disait à Alexandre le Grand de s’ôter de son soleil).

Revenons au moins intéressant, Madame Benbassa. Son problème, c’est qu’elle était un exemple parfait de désinformation, d’infox comme dirait Mounir Mahjoubi. Cette fois, ma cible était le monde de la post-vérité (post-truth), comme le veut le terme consacré. Elle nie l’existence d’un tel champ de recherche et d’application dans une interview video à RT.

C’est son ignorance qui la fait nier l’existence et la profondeur de ce monde-là.

Toute cette affaire est partie d’une phrase d’Esther Benbassa. Cette dernière a reproché à Brigitte Macron d’avoir critiqué la violence et la vulgarité” d’une partie des Gilets jaunes. L’épouse du chef de l’Etat les comparait aux corbeaux déposant des lettres anonymes dans la boîte aux lettres de ses parents au début de sa relation avec Emmanuel Macron. Cette polémique était-elle évitable ?

Madame Benbassa détourne une citation attribuée à Brigitte Macron dans un article du Monde déjà à charge, et en fait une phrase témoignant d’un mépris de classe qu’elle aurait exprimé, en reprenant dans une phrase généralisée aux gilets jaunes (ce qui n’était pas le cas de la citation originale dont on n’est même pas surs de l’auteur) l’idée d’une violence et d’une vulgarité généralisée. Le scandale est là, dans des intentions prêtées de manière fallacieuse. C’est d’autant moins glorieux que madame Benbassa a lu la citation qui fait état de violences reçues quand elle a rencontré Emmanuel Macron et fait face à l’opprobre publique et à la crasse des intolérants. En quoi a t-elle besoin d’enfoncer le clou? de réveiller encore plus la douleur? C’est très féministe comme attitude certainement.

D’habitude, quand la machine s’emballe, le politicien lambda s’écrase, s’excuse face à la horde des anonymes, des masqués derrière des pseudos, voire des inexistants. Or, j’ai pris soin de répondre à beaucoup de personnes existantes ou non m’ayant sollicité, madame Benbassa étant en copie par défaut sur leurs tweets en choisissant l’option « répondre ». Je ne m’écraserai pas face à la meute. Je les nourris et en joue. Je ne suis affecté en rien.

Contrairement à Mme Benbassa, j’apprécie nos forces de l’ordre au plus haut point

Pourquoi avoir publié sur Twitter une série de photos apostrophant Mme Benbassa ?

Je n’ai pas posté que des photos. Les deux photos sont le véhicule de deux textes. Le premier était très amusant puisqu’il disait « je ne me tairai jamais » au-dessus de la tête de madame la sénatrice, par ailleurs souriante et radieuse, et le second semble être une de ses idées politiques de fond et permettait d’exposer ses idées (rien de privé, ces photos sont partout sur Internet) : « Plus de cannabis, moins de police ». Moi je pense au contraire que la légalisation n’est pas une solution, le cannabis détruit les axones et révèle des maladies psychiatriques, et la police, désolé de le dire, mais elle nous protège des casseurs et des terroristes. Moi j’apprécie nos forces de l’ordre au plus haut point.

Je ne pense pas comme Madame Benbassa que « le voile n’est pas plus aliénant que la minijupe » (Libération avril 2016), je trouve la comparaison horriblement désespérante pour la condition de la femme, voire immonde de bêtise. Je passe sur la comparaison de l’affaire Leonarda à une rafle similaire à « la mémoire de la sombre histoire » de la France, qui fait du mal à toutes les familles de victimes de la Shoah.

Je n’ai pas attaqué le physique – que je trouve tout à fait gracieux – de Madame Benbassa

Certes, vous avez de nombreux points de désaccord. Mais est-ce une raison pour l’attaquer sur son physique ?

Je n’ai pas attaqué le physique – que je trouve tout à fait gracieux – de Madame Benbassa, comme son sourire. Je lui ai simplement tendu un miroir : en lui démontrant par l’exemple à quel point un amalgame violent pouvait être vexant. La dialectique est claire dans mon tweet, puisqu’il se finit par une question, impliquant que la première phrase correspond à un subjonctif, et que je comprends moi même que c’est un exemple d’amalgame violent, employant une attaque ad hominem, comme elle le fait avec madame Macron, où au passage, elle enfonce le clou avec son histoire de dents blanches, rappelant subliminalement les sans-dents de Hollande et la notion de cols blancs. L’article de France info a bien repris mon explication sur la dialectique de ce tweet, qui finit par une question : « Il est expliqué dans mon tweet que c’est une démonstration d’amalgame violent et que ce n’est en aucun cas quelque chose que je pense (…) Ce n’est pas une affirmation de Joachim Son-Forget qui dit : ‘Madame Benbassa se met trois tonnes de peinture sur la tête’.

Je veux bien que dans ce monde moraliste, on ne puisse plus rien dire sans être soumis à la loi du troll, mais je ne me sens pas concerné par ces limites proches de la Charia.

Certains syriens m’ont dit qu’ils trouvaient les banlieues parisiennes dangereuses et n’osaient pas y aller seuls le soir

Sur un terrain moins virtuel, que vous inspire le mouvement des Gilets jaunes ?

Il y a un malaise profond et il faut y répondre, je crois qu’une grande partie a été faite pour le pouvoir d’achat des plus modestes, sans que la main du président ne tremble une seule seconde pour le faire ; je suis allé voir des gens sur les ronds-points dans mon département d’origine en Haute-Marne le 17 novembre en pleine campagne pour la direction de LREM. Il y avait à ce moment des gens sensés, sincères, en famille, avec des besoins et des attentes.

Mais le malaise est aussi incarné et confirmé par ces inconséquents qui abusent en haut de l’échelle, quand on se paie son mariage avec l’argent de la boîte, quand on gagne plusieurs dizaines de millions par an par exemple, par ces loups qui se mangent entre eux dans les élites, comme certains de mes collègues aujourd’hui plus prompts à se draper dans leur morale et leur indignation fictive pour me nuire, qu’à défendre le président quand cela tangue.

Et pour finir sur les Gilets jaunes, il y a des gens dont il faudra bien que tous à la base puissent dire qu’ils ne sont pas d’accord avec leurs exactions. On ne les entend pas assez. Ou peut-être ne leur demande-t-on pas assez ? Mon avis n’est pas tranché. Je n’aime pas juger à l’emporte-pièce. Cela dit, arrêtons-nous sur l’échafaud avec la fausse décapitation d’un pantin à l’effigie du président. On m’a raconté la même chose quand je suis allé à la frontière syrienne la dernière fois. Des travailleurs d’une agence onusienne se sont offusqués qu’un échafaud soit monté dans la partie sud est du gouvernorat d’Idlib. Et quand j’ai demandé aux intéressés vivant dans cette région leur avis, des amis travaillant dans l’humanitaire, ils m’ont dit que ce n’était en aucun cas un endroit pour décapiter des gens, mais un artifice installé par la population pour symboliser leur haine des traîtres, infiltrés et dissimulés du camp Assad. Je peux à la limite comprendre l’excès dans la protestation des gens en proie à la guerre, quand bien même je leur ai signalé que ce n’était sans doute pas approprié et que cela était déjà utilisé contre eux, mais retrouver la même chose en France… Au passage je me rappelle avoir entendu avec sincérité de la bouche des mêmes syriens qu’ils trouvent les banlieues parisiennes dangereuses et qu’ils n’osaient pas y aller seuls le soir pour ceux qui y ont encore des attaches et revenaient en France occasionnellement.

J’ai été peiné d’être pris pour homophobe, ayant été en tête de cortège pour les manifs en faveur du mariage homosexuel

Décidément, vous multipliez les sorties audacieuses ! En septembre dernier, vous avez été le seul homme politique à prendre la défense de Marcel Campion à la suite de ses déclarations contre Bruno Julliard jugées homophobes…

Je défendais par les mêmes méthodes une autre cause : je voulais mettre en évidence que le lynchage public n’est pas une solution. Le goudron et les plumes à la place de la loi. La morale et les petits moralisateurs qui ont trop souvent raison, comme sur les réseaux sociaux. C’est indigne d’une démocratie moderne. Ces lynchages publics sont les signaux faibles de l’avènement de la dictature. C’est ce que je disais chez Bourdin en affirmant que le retour ou l’excès de morale c’est le début de la Charia (avec déjà le même cocktail détonnant : un thème qui touche à l’émotion et qui engendre le débat).

Evidemment, et je ne l’avais pas prévu autant pour ce premier essai, le dommage collatéral a été la peine de membres de la communauté gay, d’où le fait que j’ai exprimé des excuses à ce propos, car j’ai été peiné d’être pris pour homophobe, ayant été en tête de cortège pour les manifs en faveur du mariage homosexuel. Les photos existent pour le prouver.

En Suisse, il y a la courtoisie et le respect des opinions

Nous vous croyons sur parole. Il se dit que vous fustigez les bobos et aimez vous présenter en amateur de bonne chère traditionnelle. En tant qu’élu LREM, parti qui passe pour l’incarnation des élites mondialisées, ne vous tirez-vous pas une balle dans le pied ? 

J’ai grandi en Haute-Marne, en bordure de forêt, dans une famille qui était la première à réussir dans leurs deux familles respectives, sur le plan social et financier. Mais nous avions gardé des habitudes de vie simples à beaucoup d’égard bien que je ne manquais de rien enfant. Et je crois que beaucoup d’entre nous se sont éloignés de la terre, de cette simplicité, de cette authenticité. La « bonne chère » en fait partie. La chasse, le terroir, la pêche, la forêt, la ferme, la montagne, les produits arrachés de la terre, le vrai somme toute.

Je ne le feins pas, c’est un bout de mon histoire, ce sont des années passées en forêt, avec des animaux partout à la maison. C’est ce qui me manque le plus et que je retrouve en partie en vivant en Suisse où la campagne n’est jamais loin. Sans compter qu’ici il y a aussi la courtoisie et le respect des opinions. 

Dans l’affaire Trump, ma cible était l’extrême droite internationale, aujourd’hui à nos portes

Ces dernières semaines, vous avez publiquement pris à parti le président Donald Trump sur Twitter. A l’ère de l’information instantanée, ne regrettez-vous pas votre usage compulsif des réseaux sociaux ? 

Dans l’affaire Trump, ma cible était l’extrême droite internationale, aujourd’hui à nos portes et qu’il faut combattre avec véhémence. Les pseudo-scandales sur chaque épisode de ma saga : Charia – Campion – Trump – Benbassa relèvent d’un phénomène intéressant sur les réseaux sociaux qui mène à des compétitions de moralisateurs, lors d’un buzz sur une indignation généralisée (moral grandstanding et moral outrage en anglais). Dans ce phénomène, et il y a des recettes pour le provoquer, vous pouvez avoir une escalade et une polarisation de façades d’indignation vertueuse (celle de Gilles Legendre, qui réagit de manière extrêmement prévisible en psychologie sociale, comme le millier de personnes qui a like son tweet), qui résulte le plus souvent en une immoralité et un cynisme des protagonistes, en lieu et place de la vertu qu’ils prétendent défendre. 

Mon think-tank Global Variations se veut une sorte d’anti-Bilderberg

Avec ces polémiques en rafales et le blâme que vos camarades vous ont infligé, comptez-vous toujours siéger au sein du groupe LREM ?

Si le groupe parlementaire décide qu’il faut abattre les gens comme moi, qu’il le fasse, j’irai voir ailleurs et je serai encore plus libre, mais après je comprendrai à ma façon pourquoi le président dit parfois qu’il n’est pas aidé. Dans la méthode, j’ai mon indépendance et ma personnalité.

Reste que j’ai travaillé énormément depuis le début de mon mandat, souvent seul. La guerre en Syrie occupe beaucoup de mon temps et de mes préoccupations. Dans ma circonscription, je me consacre aux problèmes divers et variés des gens, en allant partout les voir, en donnant des rapports d’activité mensuels. Je  développe mon think-tank. Je me suis battu pour faire accorder l’asile à un député vénézuélien ouvertement gay et sa famille, persécutés par Maduro (il vient de m’envoyer ses vœux en me remerciant que la France lui ai donné cette chance, je suis très touché). Je continuerai ainsi mon travail, j’ai un carnet d’adresses très important, des relations dans des gouvernements et parlements étrangers, des personnalités de tous milieux. Des gens réunis autour de mon think-tank Global Variations, dans ce que je veux une sorte d’anti-Bilderberg, et qui en a déjà la carrure.

Je ne vis pas dans la culture d’entreprise avec ses séminaires, ses powerpoints, ses pointages…

Cette capacité d’influence, vous la devez aussi à votre statut de député…

Non. Ces présence, ces contacts ce n’est pas le groupe qui me les a offerts. C’est moi qui les ai par contre parfois, souvent, intéressés à l’action du président de la République, alors candidat. Qui leur ai fait donner du temps, de l’argent, de l’attention, des conseils. C’est tout cela que les ingrats du groupe ne savent pas. Pour moi, il n’y a ni recadrage, ni blâme, rien de cela, je suis indifférent. Je suis un homme libre. Eux ont peur de tout, même de leur ombre. Contre l’extrême droite, là il n’y a plus personne. On se victimise à chaque fois qu’on se fait menacer. Si je me plaignais à chaque fois que je reçois une menace de mort ou une insulte raciste, je n’avancerais plus. Je n’ai peur de rien ni de personne. J’ai une vie avant la politique, j’en aurai une toute aussi formidable après dans 3 ans et demi le plus probablement. J’ai dit à mes électeurs en campagne que je ne ferai qu’un mandat ou deux. Je n’ai pas changé d’avis.

A l’Assemblée, ils sont tous président de quelque chose. Les types s’appellent monsieur le président, monsieur le député…

Est-cela, la « start-up nation » macronienne ?

Je ne vis pas dans la culture d’entreprise avec ses séminaires, ses powerpoints, ses pointages, ses pyramides hiérarchiques. Moi je jette mon gant à la tête du manager, et du CEO si je le veux, je n’aime pas les patrons, sauf ceux qui s’imposent naturellement par leur charisme et leur générosité. A l’Assemblée, ils sont tous président de quelque chose. Les types s’appellent monsieur le président, monsieur le député. Beurk… Quelle hypocrisie dégoulinante. Ma présence en politique est différente d’une histoire employeur-employé. C’est pour permettre à Emmanuel Macron de faire réussir la France. Je vois le président comme un partenaire de travail, et je l’aide dans cette mission par amitié sincère. Je pense que c’est une chance qu’un homme de sa qualité ait daigné mettre entre parenthèses sa vie personnelle et des ambitions pour donner du temps à la France. Je sais aussi, pour avoir des amis communs avec lui, qu’Emmanuel Macron est un vrai type bien.

Le Débat

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est journaliste.

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