Les JO sont le contraire des droits de l’homme


Les JO sont le contraire des droits de l’homme
La nageuse Ai Shibata aux JO d'Athènes 2004. SIPA. 00497123_000009

Le Comité international olympique (CIO), par le biais de la Charte olympique, est capable d’introduire, sinon d’incruster, la terrible idéologie de la compétition, au nom du bonheur d’être ensemble, de la citoyenneté partagée, de la santé, de l’éducation, de la culture, etc. Le « but de l’olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’homme en vue de promouvoir une société pacifique soucieuse de préserver la dignité humaine » ; et encore : « l’esprit olympique exige la compréhension mutuelle, l’esprit d’amitié, de solidarité et de fair-play ». « La pratique du sport, nous dit la Charte olympique, est un droit de l’homme ». Rien que cela !

Le mythe du surhomme à l’état pur

Une compétition sportive, les JO, qui passe pour naturelle et à laquelle personne ne s’oppose. Une compétition sportive dont même les opposants parmi les plus sincères ne cessent de louer les vertus. « Ce qui est magnifique dans les JO, estime par exemple la conseillère de Paris France insoumise Danielle Simonnet, c’est que vous découvrez plein de femmes et d’hommes qui sont extrêmement impressionnants dans leur grand courage, leurs prouesses et leur dépassement de soi ». Or, c’est précisément cette idéologie du « dépassement de soi » située au cœur du sport de compétition et de l’Olympisme qui ne va pas de soi. Des sportifs « impressionnants », des « prouesses »… Il faut avoir un peu de recul face au sport-spectacle qui, aujourd’hui, dépend tout d’abord d’un dopage massif et permanent de ses pratiquants (y compris dans le sport dit amateur). Mais surtout, il faut l’affirmer et le redire, le sport de compétition ne ressortit en rien du jeu ou de l’activité ludique qui font appel à la liberté de se mouvoir quand on veut et où l’on veut, à la gratuité, à la non-discrimination entre les sexes, à l’accueil de corps différents, à l’indifférence quant aux résultats, au refus de la performance, du record et de la prouesse, au rapport libre, organique et plastique avec une nature non artificialisée.

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Le sport de compétition est, à l’inverse, la perversion systématique, l’inversion efficace et pratique du jeu et de l’esprit ludique, leur dégénérescence, leur métamorphose par le biais d’un temps mesuré (le chronomètre) et dans un espace toujours circonscrit (la piste, le stade, la piscine…). Avec la compétition, il s’agit de la transformation radicale de la fluidité essentielle du temps et de l’infinité finie de l’espace à travers la mesure des corps réduits à une série de chiffres dont l’apothéose est le record. Autrement dit, le sport de compétition renvoie à une abstraction qui n’en est pas moins – pour beaucoup d’individus encore – fascinante. Elle correspond en effet au mythe jamais assouvi du surhomme lui-même – le champion – lié à l’immense problème de surmonter l’angoisse actuelle vis-à-vis du corps occidental : l’amour-haine du corps au croisement de l’exaltation du travail et de la faiblesse de la chair, un objet de désir et la part inférieure de l’homme, le lieu de la cruauté voire de la morbidité et celui de la jouissance.

L’impérialisme, stade suprême de l’olympisme

Pour en revenir aux JO et contrairement à ce que leur nom indique, ils n’appartiennent pas au domaine du jeu puisqu’ils ne font jamais appel à une quelconque liberté d’organisation entre les individus (y compris celle d’arrêter de jouer), ne mélangent ni les sexes ni les âges et ne s’intéressent qu’aux vainqueurs. Le jeu, a contrario, méconnaît le dopage, l’entraînement démentiel, la professionnalisation, la victoire à n’importe quel prix (triche comprise). En outre, les JO ont fait disparaître les jeux traditionnels (les très nombreux jeux, par exemple, inventés par les Indiens aux États-Unis) au seul profit de sports dits modernes dont la compétition entre individus et l’implacable rivalité entre les nations est le seul moteur.

Il n’y a pas une seule épreuve des JO qui ne soit une compétition entre athlètes ou entre équipes. La compétition est le seul cadre organisationnel et le seul dispositif à partir duquel les JO, et plus généralement toute organisation sportive se mettent matériellement en œuvre et se déroulent selon leur propre logique. La compétition sportive signifie l’organisation maîtrisée, institutionnalisée et ritualisée de la confrontation par le biais de l’aménagement spatial et temporel de la lutte entre les individus ou entre les équipes. Dans cette logique compétitive universelle, seuls comptent les résultats à travers leur comparaison universalisée. La compétition elle-même induit ainsi une logique irréversible : s’entraîner durant des années pour pouvoir y participer après une succession d’épreuves de sélection, s’y maintenir coûte que coûte et quel qu’en soit le prix, et surtout en sortir le vainqueur.

L’essentiel c’est d’éliminer

Le sport de compétition, celui des JO, est à l’exact opposé des droits de l’homme. Derrière les sourires, de moins en moins flagrants ou purs, ce sont surtout les rictus de douleur qui apparaissent sur des visages grimaçants, des corps tordus par la souffrance, exténués par l’effort prolongé. On sait que les entraînements en Chine sont de longues séances de mise aux normes des corps d’enfants placés dans de véritables camps sportifs. Derrière les embrassades de fin de course, ce n’est de fait que la compétition la plus sauvage entre les individus qui s’exprime. Une compétition qui n’admet aucune empathie, aucune solidarité, aucun apitoiement vis-à-vis de l’autre. Malgré les sourires et la « bonne humeur » générale, l’amitié n’existe dans aucune course, aucune épreuve sportive, aucune discipline ; elle y est même proscrite. Le fair-play est lui aussi une pure illusion dès lors que la compétition n’engage qu’à tromper le concurrent (et le public) par le biais du dopage et de toutes sortes de tricheries.

Où est la courtoisie, la loyauté, la droiture dans l’acte sportif compétitif ? Que peut être l’« amitié entre les peuples » dont on nous rebat les oreilles pendant les brefs quinze jours d’une compétition olympique ? Franchement, il y a de quoi sourire. À l’intérieur du Village olympique, parqués dans leurs chambres (filles et garçons séparés, cela va de soi), les sportifs passent le plus clair de leur temps à consulter leurs mails ou à jouer à des jeux-vidéos. Hors de leurs chambres, ils s’entraînent…

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