La chanteuse un peu oubliée vient de sortir un nouveau disque, Sur les cendres danser (AT(h)OME)
Nous nous souvenons de Comme sur une balançoire ou de Tout ce qui nous sépare, titres de la chanteuse Jil Caplan, une des représentantes, dans les années 90, de ce qui était considéré comme de la pop : des chansons de qualité aux résonances anglo-saxonnes et aux textes à la fois légers et exigeants. Jil Caplan avait un peu disparu des radars dans les années 2000. En effet, bien qu’elle ait continué de sortir des albums, le public la boudait. Mais, voilà qu’elle revient en force en 2023 avec le très bel album: Sur les cendres danser. Je l’avais rencontrée un soir d’hiver 2021, dans le quartier où elle a grandi – un coin retiré du XXème arrondissement de Paris – où le temps semble s’être arrêté. Ce quartier, elle l’a sillonné toute son enfance, tel un petit poulbot. Elle l’a raconté dans un joli récit autobiographique à l’écriture subtile et impressionniste: Le feu aux joues, où elle fait aussi la part belle aux disques qui ont bouleversé sa vie, qui lui ont donné envie de chanter. Ce soir-là, de Céline à la Beat Generation, nous avions surtout parlé de littérature.
Quand nous nous étions quittées, elle s’en allait répéter pour travailler à ce nouvel album…
Elle a fait un CD toute seule…
À l’image de Marianne Faithfull dans les années 70 – excepté l’aspect sulfureux – elle renaît de ses cendres, sans son mentor et parolier d’autrefois, Jay Alanski. Et on ne l’arrêtera plus. Comme l’ex-fiancée de Mick Jagger, Jil Caplan n’a pas l’air d’être une de ces femmes qui ont besoin d’un Pygmalion trop longtemps… Elle rayonne suffisamment, d’autant plus qu’elle est devenue une parolière d’exception.
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Mais alors, à quoi ressemble ce nouvel album ?
D’abord, il est né de sa rencontre avec Emilie Marsh, guitariste, qui a composé le dernier album de Dani. Ces deux-là se sont bien trouvées. Le duo fonctionne à merveille ; c’est lui qui semble avoir donné naissance à cette Jil version 2023, plus assurée, avec une voix ayant gagné en intensité et en justesse. Le temps ne semble pas avoir de prise sur cette femme à la cinquantaine bien entamée. Elle est lumineuse, plus légère aussi, elle s’est délestée de cette espèce de gravité qui émanait d’elle dans sa jeunesse. L’âge mûr lui sied (contrairement à sa contemporaine Lio). Jil Caplan revient également à ses premières amours : le rock, la pop et la folk music. A propos du titre Animal animal, elle déclare ceci : « La ligne de basse est rageuse et adolescente, on a voulu faire une chanson rock old school, comme un petit groupe garage qui met son ampli à fond. » Il semble qu’effectivement Jil Caplan n’ait rien perdu de sa fraîcheur d’adolescente. Le temps où elle découvrait, émerveillée, Pet Sounds des Beach Boys. Le temps où elle tombait amoureuse du sosie de Bowie, lors d’un séjour linguistique en Angleterre.
Retour gagnant
Avec la maturité, comme nous le disions plus haut, elle est devenue un auteur d’exception, ses mots sont à la fois bruts et imagés. Dans une balade country réussie, Daronne, elle évoque le temps qui passe, qui fait de nos enfants des adultes. « Tu es grand et si différent, que j’en tremble, que j’en frissonne, tu es grand, rien n’est comme avant, dans ma peau de daronne. »
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Cette grande amatrice de littérature célèbre aussi l’immense Virginia Wolf, dans un titre simplement intitulé : Virginia. Elle y aborde le suicide de l’auteur britannique, au son de ce qui ressemble à une ballade irlandaise, et sans que cela ne tombe dans le pathos : « A la rivière quelqu’un doit partir, pour que les autres vivent, quelqu’un doit mourir. » Et, avec Sous les cendres danser, tel le phœnix qui renaît de ses cendres, la nouvelle Jil brûle définitivement la jeune fille d’« A peine 21 » pour notre plus grande joie ! Cerise sur le gâteau pour l’artiste, le public est au rendez-vous. Son concert parisien du 12 décembre au Café de la danse affiche complet. Alors, l’ensorceleuse folk remontera sur scène le 9 janvier, cette fois à la Maroquinerie.
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