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Le festival de Kahn

Jean-François Kahn publie "Comment on en est arrivé là" (L’Observatoire, 2023)


Le festival de Kahn
Jean-François Kahn. Photo : Hannah Assouline

Dans son nouvel essai Comment on en est arrivé là (L’Observatoire), le journaliste Jean-François Kahn s’inquiète de la montée des extrêmes. Il pense que l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen conduirait le pays à la guerre civile.


Qu’on ne se méprenne pas ! On l’aime bien, Jean-François Kahn. On l’a connu patron de presse audacieux, courageux, suffisamment iconoclaste et hors mode pour mériter estime et reconnaissance. Et puis il y a chez lui une impressionnante faculté à brasser des idées, à les exposer et les défendre avec une ardeur touchante, communicative, cela en fourbissant une réthorique de vive passion où la gestuelle le dispute au verbe. Ça pétille, ça fuse, ça pétarade, ça flingue. Un vrai festival. Qu’on soit d’accord ou non, qu’importe au fond ! La vivacité d’esprit et la vigueur du plaidoyer ou du réquisitoire – c’est selon – suffisent à notre plaisir.  Or, voilà que, auteur fécond – une autre de ses vertus -, notre homme vient de publier un nouvel essai. Son titre : Comment on en est arrivé là. Sous-titre : « Quand la tentation des extrêmes risque de conduire à la guerre civile ». Le thème de l’ouvrage se trouve clairement résumé dans les envolées des interviews de l’auteur: « Si on continue à jouer aux cons, Marine Le Pen sera élue en 2027. » voilà la prédiction assenée de plateau en plateau. Perspective apocalyptique, on s’en doute, selon notre auteur. Ce qui le dévore d’angoisse ce n’est donc pas tant que la France soit en passe de rivaliser avec la Colombie quant à la prospérité des cartels de la drogue, que des gosses de quinze ou seize ans se fassent fumer à la kalachnikov jusque dans des préfectures ou des chefs-lieux de canton jusqu’alors assez paisibles et plutôt portés sur l’apéro merguez et la célébration annuelle du Beaujolais nouveau. Ce n’est pas non plus que la Mecque du libre esprit à la française – je parle ici de La Sorbonne – renonce à être ce qu’elle a à être au point de reculer de trouille devant le spectre immonde de l’obscurantisme woke. Ce n’est pas davantage que ce soit à des drag queens qu’on aille s’en remettre dans certaines médiathèques pour évoquer devant des enfants de trois à six ans ce qu’est la famille. La famille remasterisée transgenre et à géométrie extrêmement variable, bien entendu. Ce qui effraie notre JFK à nous n’est pas non plus que la  crétinisation de masse conduise à tabasser un bienfaiteur de l’humanité – je tiens en effet les chocolatiers, tous sans exception, pour des bienfaiteurs de l’humanité – au motif qu’il est un peu parent de l’épouse du chef de l’État. Bref, les raisons d’être horrifié ne manquent pas. On peut même dire qu’on nous en invente une nouvelle chaque matin, chaque midi et chaque soir, ou peu s’en faut. La liste en serait interminable. Mais selon l’ouvrage en question, l’horreur suprême serait donc de céder à la tentation des extrêmes et de propulser le RN à la tête de l’État. Il en résulterait, prédit l’auteur, un climat de guerre civile. Il est vrai que ce serait dommage tant est serein et réjouissant celui dans lequel nous plonge jour après jour l’extrême centre actuellement aux affaires.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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