BARROSO RACHETÉ À LA BAISSE
Mardi 12 juillet
Pasticheur du Roy depuis 1793, j’apprécie en connoisseur l’exercice d’auto-parodie glacée et sophistiquée auquel se livre Le Monde dans son édito d’aujourd’hui.
Sous un titre accrocheur, « José Manuel Barroso, l’anti-européen », le quotidien de révérence explique à ses lecteurs ce qu’il faut penser du rachat du commissaire européen par Goldman Sachs. L’air de rien, Le Monde creuse ainsi l’écart avec ses concurrents dans une discipline très disputée : l’intelligence au service de la connerie.
Donc, l’ancien président de la Commission de Bruxelles, grand manitou de l’Europe de 2004 à 2014, a été racheté par une banque d’affaires dont la réputation n’est plus à faire. Et qu’est-ce qui choque Le Monde là-dedans ? Non pas ce « transfert » ni la porosité qu’il suggère entre Union européenne et finance mondiale. Non, le pire c’est « le coup bas, indigne » que le traître porte ainsi « sciemment » à l’idéal européen.
Comment ça, j’invente ? Ce qui est vraiment « révoltant », s’échauffe le journal, c’est qu’avec cette prébende Barroso « ait accepté de contribuer au discours des mouvements protestataires anti-européens d’ultra-droite qui menacent le caractère démocratique du continent ». Les faits en soi, on l’a vu, c’est pas si grave ; l’ennui, c’est quand ça risque de donner des arguments aux Méchants.
Par bonheur, apprend-on en bonus, il reste une solution pour éviter ce cataclysme annoncé : « La Commission doit changer ses règles », tout simplement, pour que ses anciens membres n’aillent plus « pantoufler » n’importe où.
Comme ça, tout ça se verra moins, et on pourra continuer comme devant. « Il en va de l’image de l’UE », conclut solennellement Le Monde. L’image, voilà bien l’essentiel ! Qui a parlé de changer le reste ?[access capability= »lire_inedits »]
L’INSPECTEUR HARRY CONTRE LES MAUVIETTES
Jeudi 4 août
Le petit bonhomme de Télérama fait la grimace : Clint Eastwood a encore déconné, et ce coup-ci il n’a même pas l’excuse de l’art. Dans une interview à Esquire, le vieux réac minimise cette fois les propos anti-migrants de Trump, fustigeant au passage « la génération mauviette » du « politiquement correct » – non sans confirmer son intention de voter Donald ! C’en est trop pour Télérama dont le verdict tombe aussitôt, en forme de citation vaguement éculée : « Pour l’acteur de 86 ans, la vieillesse est définitivement un naufrage. »
De son côté, selon Variety, Meryl Streep, fervent soutien d’Hillary, s’est déclarée « choquée » par les propos de son vieil ami : « J’aurais pensé qu’il était plus sensible que ça. » Si ça se trouve là aussi, c’est l’âge ! Meryl se voit encore sur la route de Madison, et Clint aime toujours autant jouer à « Go ahead, make my day ! »
LES JEUX DU FOULARD
Lundi 8 août
Sur son compte Twitter, Hillary Clinton se fend d’un compliment à la sabreuse olympique Ibtihaj Muhammad. Non pas pour sa prestation à vrai dire (elle a été éliminée dès son second match), mais au titre de « première Américaine musulmane à concourir avec un hijab ».
Du coup, l’intéressée a pu profiter des caméras pour poser sous toutes les coutures avec son foulard noir, et des micros pour faire passer son « message de tolérance »… « Sans avoir peur, admire Le Monde, de déplaire à ceux qui prétendent que l’on ne doit pas mélanger le sport et la politique. » Mais de quoi avoir peur, en vérité, quand le port du voile est autorisé par le CIO et encouragé par Mme Clinton en personne – suivant en cela l’exemple du président Obama himself ?
Non, décidément, une sabreuse voilée ça ne le fait pas. Ce que je demande à voir, moi, c’est de la vraie provoc’, du spectaculaire : à quand la première nageuse en burkini ?
COURTELINE CHEZ LES TERRORISTES
Samedi 13 août
Comment expulser un individu suspecté de menées terroristes, quand il fait déjà l’objet d’une interdiction de quitter le territoire ? C’est le cas d’école auquel ont été confrontées la justice et la police françaises ; pendant ce temps, l’intéressé, l’islamiste belgo-tunisien Farouk Ben Abbes, a dû bien rigoler.
En raison de sa dangerosité, cet habitant de Toulouse avait été assigné à résidence, sur ordre du ministère de l’Intérieur, dans un hôtel de Brienne-le-Château (Aube). Mais c’était compter sans le maire du lieu, qui a réclamé et obtenu de la justice l’expulsion de l’administré indésirable.
C’est là que ça se complique, selon La Dépêche : le 22 juillet à l’aube, Ben Abbes est interpellé par la gendarmerie, escorté jusqu’à Roissy et installé à bord d’un vol à destination de la Tunisie. Pour la suite, laissons la place à notre confrère, qui raconte bien : « L’avion s’apprête à quitter le tarmac, quand ordre est donné par le ministère de l’Intérieur de stopper la procédure de décollage et de débarquer Farouk Ben Abbes… »
Et le quotidien de conclure sans broncher : « Officiellement, la mesure d’expulsion est suspendue au motif de l’interdiction qui est faite au suspect de quitter le territoire. » On avait deviné ; mais expliqué « officiellement » comme ça, ça paraît tellement logique qu’on ne sait plus très bien pourquoi on vous a raconté tout ça…
SEVENTY AND HOLDING
Vendredi 26 août
À eux deux, les frères Mael (Ron et Russell) tutoient les cent quarante ans. Mais tandis que leurs collègues musiciens des 70’, même ceux qu’on a tant aimés, tournent depuis longtemps en rond (quand ils tournent encore), les Sparks continuent de créer des choses nouvelles sous le soleil du rock (au sens large, ta gueule).
Aujourd’hui, sur leur site, les frères de la côte ouest promettent donc à leurs « Loyal fans » un 24e album. Et dans le teaser, sur fond de musique solennelle et d’images d’ouvriers sidérurgistes qui font des étincelles, on nous annonce un produit artisanal « roustonné » à l’ancienne :
Manufactured in Los Angeles
Years in the making
Artisan crafted
Attention to detail
The new album
SPARKS
Coming 2017
Quant au contenu, mystère et boule de shit ! Rien que depuis le nouveau millénaire, le duo fou a produit entre autres deux albums de musique classico-répétitive, un troisième touche-à-tout, un opéra rock et même un disque en commun avec Franz Ferdinand ! Autant dire que je m’attends à tout de leur part. Si seulement ils pouvaient m’éviter le hip-hop…[/access]
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