Après #metoo, le temps de l’amour, des copains et de l’aventure devient risqué pour les jeunes hétérosexuels blancs. Virtuellement suspects, ils n’ont plus le choix qu’entre YouPorn et les eaux glacées de la parano néoféministe.
Mon cher neveu,
Tu as 17 ans, bientôt 18, et pour toi l’école est finie. Tu viens d’avoir ton baccalauréat avec mention, et comme tu habites dans un centre-ville plutôt que dans un département commençant par un 9 et finissant par un 3, Parcoursup a respecté tes vœux. Tu étudieras les lettres en classe préparatoire, ce qui ne mène à rien, mais peut-être à tous les bonheurs.
Que vas-tu faire de ta liberté toute neuve ? D’autant plus qu’elle va durer seulement deux mois avant l’entrée en hypokhâgne et le début d’une existence qui tiendra à la fois de la vie monastique et d’un entraînement commando au fort de Penthièvre. Je me souviens encore de mon sentiment de disponibilité heureuse, en cet été 1982, quand j’étais dans ta situation. Les filles étaient partout, rieuses, légères, mystérieuses, offrant leur gorge au soleil des terrasses, la tête penchée en arrière, ou marchant par deux dans les rues de la vieille ville, les lunettes noires remontées dans les cheveux. Aujourd’hui, parce que les filles, c’est comme la mer en Bretagne chez Chateaubriand, elles ne changent jamais parce qu’elles changent toujours, je leur pardonne même leurs envahissants smartphones, tant la technologie digitale a fait naître des gestes gracieux et inédits sur les écrans effleurés, comme des caresses. Comment vas-tu résister,
