Accueil Édition Abonné Le jeu dont vous êtes le migrant

Le jeu dont vous êtes le migrant

Débarrassez-vous de vos aprioris grâce à la téléréalité


Le jeu dont vous êtes le migrant
Capture d'écran "Go Back to Where You Came From" / Youtube

« Go back to where you came from ! » (« Retourne d’où tu viens ! ») : ce n’est pas le slogan expéditif d’un nouveau parti populiste, mais le titre d’une émission de téléréalité diffusée cet automne sur la première chaîne privée polonaise TVN, qui se donne pour mission de démonter les préjugés du public sur l’immigration clandestine.

« Peut-être que le programme changera au moins le regard de quelques-uns »

Le pays tout entier est ainsi invité à regarder durant six soirées consécutives ce reality-show pour comprendre comment on peut traverser des frontières sans passeport, sans argent ni même téléphone portable. Tel est le défi lancé, lors de la première saison, à une poignée de participants triés sur le volet, qui suivront l’itinéraire inverse de celui des migrants, partant d’Europe vers le Moyen-Orient. Signalons que les Polonais ne sont pas les inventeurs du concept. Les producteurs locaux se sont contentés d’adapter une formule qui a fait ses preuves en Australie, où la chaîne SBS a montré de faux clandestins se faisant tirer dessus en Syrie. Magie de la télévision, tout le monde a heureusement survécu.

Dans sa version polonaise, l’expédition traversera plusieurs pays européens, se frottera au traitement déshumanisant des centres de rétention, puis passera par le Liban avant de parvenir à sa destination finale au Kurdistan. « Les gens verront, au lieu de terribles envahisseurs, des êtres humains soumis à des épreuves terrifiantes. Certes, notre programme ne modifiera pas la politique ultra stricte du gouvernement polonais face à l’immigration. Mais peut-être bien qu’il changera au moins le regard de quelques-uns, et ce sera déjà ça », a sobrement escompté un des producteurs.

L’espoir fait vivre. Pour l’instant, les micros-trottoirs ne traduisent aucune évolution humaniste de l’opinion publique. « Comment ça s’appelle déjà ? Rentrez chez vous ? Si seulement ils voulaient l’entendre… », affirment les commentaires les plus modérés.

Octobre 2018 - Causeur #61

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Si même France Inter plonge dans l’islamophobie…
Article suivant « The House that Jack built »: le Lars von Trier sur le Mal, incompris des gens de bien
Paulina Dalmayer est journaliste et travaille dans l'édition.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération