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Jérôme Garcin : le fond et la forme

À fond la forme !


Jérôme Garcin : le fond et la forme
Jérôme Garcin, journaliste et écrivain, en 2018. © SADAKA EDMOND/SIPA

Dans Mes Fragiles, Jérôme Garcin a beaucoup de talent : il le sait, on le sait, il écrit magnifiquement. C’est sa force et paradoxalement aussi sa faiblesse.


Tout dépend du sujet que Jérôme Garcin traite. Le registre du familial et de l’intime devient presque exclusif dans son œuvre, lui qui est par ailleurs si retenu. Si la splendeur très travaillée de son style s’accordait bien avec son livre sur Gérard Philippe dont la flamboyance douloureuse et engagée autorise le comble de l’esthétisme, autant elle « jure » un peu avec Mes Fragilités où il évoque avec finesse, émotion les existences de sa mère et de son frère. Ils ont engendré, dans la vie de l’auteur, par leur mort, des déchirements auxquels le destin l’avait déjà en partie habitué.

En-tout-cas, c’est l’impression que j’ai eue comme si ce double « tombeau » était clivé entre une réalité brute, immédiate, tragique, qui aurait appelé mesure, sobriété et presque sécheresse, et un culte ostentatoire du beau langage qui alors apparaissait telle une offense au fond si éprouvant des drames.

Que veut dire écrire bien ?

Une réflexion surgit alors sur ce que signifie « écrire bien » qui dépasse le cas de Jérôme Garcin. Rien de pire que la sensation surgissant à la lecture de certains livres parce que le style est trop beau et orné au point d’étouffer le thème et l’histoire. Ou au contraire, que le style donne au réel qu’il décrit une magie, une tonalité, une lumière qui ne devrait pas être les siennes. Peut-on imaginer le génial Céline nous offrir son monde torturé et sarcastique avec un style de bon élève classique ?

Ce n’est pas soutenir que Mes Fragiles n’est pas un grand petit livre. Seulement qu’il serait encore plus remarquable si son auteur n’avait pas cherché à nous guider avec tant une brillante, soyeuse et ostentatoire incitation vers des sentiments et des émotions que nous aurions été capables d’embrasser tout seuls : la réalité sans apprêt aurait gagné avec la nudité de ses tragédies.

Mes fragiles de Jérôme Garcin (Gallimard)

Mes fragiles

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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