Victime de tweets racistes, la Franco-Béninoise Mathilde Edey Gamassou a toute légitimité à incarner Jeanne d’Arc, la pucelle d’Orléans, durant les fêtes johanniques. Un rôle qui reste évidemment inaccessible aux juifs et aux protestants. Ils sont partout, ces catholiques !
On s’est ému – à juste titre – du tombereau d’insultes racistes déversées sur les réseaux sociaux contre Mathilde Edey Gamassou, désignée pour incarner Jeanne d’Arc lors des traditionnelles fêtes johanniques du 8 mai à Orléans. Cette jeune fille, une Franco-Béninoise âgée de 17 ans, a été choisie par le comité d’organisation des festivités parmi 13 candidates pour conduire, à cheval et revêtue d’une armure, le défilé qui traverse la ville. Le comité a estimé que la jeune métisse répondait, mieux que ses concurrentes, aux critères fixés depuis 1855 pour incarner cette figure héroïque de notre récit national : la jeune fille doit habiter depuis dix ans à Orléans, fréquenter un établissement scolaire de la ville, être baptisée, catholique pratiquante, donner de son temps bénévolement pour les autres et être de bonne moralité.
Front commun contre le racisme…
Le maire d’Orléans, Olivier Carré (LR) la défend vigoureusement : « Cette jeune fille a été choisie parce qu’elle avait le meilleur dossier. Elle a fait un oral, elle a été choisie par des institutions, par le clergé, par des militaires et par la ville. On veut quelqu’un qui est là pour incarner des valeurs, pas pour figurer un mimétisme de Jeanne d’Arc, et ces valeurs elle les incarne parfaitement. C’est la raison pour laquelle unanimement ce choix s’est fait », a assuré le maire de la ville. Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes monte au créneau et saisit la Dilcrah, l’institution d’État en charge de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie pour que les auteurs de tweets haineux soient poursuivis et châtiés. La réprobation est unanime, rassemblant ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, comme notre ami Laurent Bouvet, porte-étendard de la laïcité intransigeante du Printemps républicain. Pour laver l’affront, le père de Mathilde demande à Emmanuel Macron de venir en personne présider les fêtes le 8 mai prochain.
…mais pas contre les critères
Cependant, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine gêne à la lecture des critères de sélection de l’héroïne annuelle d’une fête qui rassemble une ville entière dans la commémoration d’un passé glorieux. Les hasards de la vie m’ont amené à passer deux décennies de ma vie à Orléans et dans ses alentours. C’est dans cette ville que naquit ma fille, qui aurait pu souhaiter « faire la Jeanne » l’année de ses 16 ans. Si cela avait été le cas, j’aurais dû lui expliquer que cela était impossible, car elle cochait toutes les cases d’aptitude, sauf une, qu’il est inutile de préciser plus avant. Même les relations très cordiales que j’entretenais alors avec l’évêque d’Orléans, Aron Jean-Marie Lustiger, n’auraient pu lever cet obstacle rédhibitoire. Pour la consoler, j’aurais pu, alors, lui raconter que sa petite camarade de jeu Sophie, née la même année qu’elle à quelques jours d’intervalle, était dans le même cas. Pourtant, c’était la petite-fille de Jean Zay, député d’Orléans, ministre de l’Éducation de 1936 à 1939, assassiné en 1944 par la milice de Darnand et entré au Panthéon en 2016. Jean Zay, issu d’une famille juive par son père, avait adopté la religion de sa mère, une institutrice protestante…
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Cet ostracisme aurait été d’autant plus injuste que le christianisme de la Pucelle était celui d’une époque antérieure au schisme intervenu entre les Papistes et les Réformés disciples de Luther et de Calvin. On devrait reparler de cette histoire lorsque se posera le problème de la candidature d’une transsexuelle orléanaise fréquentant la messe tous les dimanches, bénévole au Secours catholique et cavalière émérite.