Après le dernier attentat survenu à Paris, le samedi 19 mai, l’ancien secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Jeannette Bougrab, a proposé, dans Le Figaro, d’ouvrir le débat sur la mise en place de mesures privatives de liberté à l’encontre de certains fichés S.
Jeannette Bougrab est sans doute mieux placée que bien d’autres commentateurs de l’islamisme : femme, fille de ces Harkis si mal traités alors qu’ils avaient choisi la France parce qu’ils croyaient en notre pays. Elle a été personnellement touchée par le massacre du Bataclan. Et nul n’oublie son courageux combat, comme ministre, pour la crèche Baby Loup. De plus, et pour ce propos, ce n’est pas rien, elle est une juriste de haut niveau.
Elle ose désormais, dans une tribune du Figaro, entamer un débat auquel tout le monde pense, mais dans lequel personne ne veut s’engager : appliquer au terrorisme islamiste des règles d’exception. En l’occurrence, une mesure administrative de restriction de liberté.
La loi sert à réguler la société en temps de paix
Elle a raison, mais elle ne sera pas entendue et le débat ne s’ouvrira pas. Elle a raison parce que ceux qui entrent en guerre contre nous doivent être combattus avec les moyens de la guerre et non avec les seules lois du temps de paix. C’est une évidence qui ne devrait pas avoir besoin d’être rappelée.
Toutes proportions gardées, a-t-on accordé une présomption d’innocence à Eichmann lors de son procès ? On a vérifié qu’il n’y avait pas erreur sur la personne, déterminé le périmètre des crimes de guerre commis, précisé les dates et les lieux. Son éventuelle enfance malheureuse, les injustices dont il a sûrement été victime dans son passé lointain ne pouvaient pas lui valoir des circonstances atténuantes. Mieux, on a rétabli, pour lui et pour lui seul, la peine de mort, qui n’existe pas en Israël pour les crimes civils. On aurait pu, pourtant, annuler toute la procédure en raison du caractère illégal de son enlèvement.
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En toute rigueur, le Code pénal ne devrait s’appliquer qu’aux manquements à la loi. La loi sert à la régulation des sociétés en temps de paix. L’appliquer en temps de guerre à des ennemis déclarés et reconnus comme tels n’a aucun sens, sinon celui de faire croire à l’opinion publique qu’on n’est pas en guerre. Mais nous sommes en guerre. Bien des officiels l’ont dit. Ils l’ont dit pour le terrorisme djihadiste alors qu’il ne l’avait pas dit pour les attentats d’extrême gauche, qui ont pu être traités par le droit commun. C’est que l’extrême gauche mène un combat politique visant les symboles de l’État et non à terroriser une population pour lui appliquer une théocratie.
Et en effet, le terrorisme islamiste est d’une tout autre nature. Les djihadistes ne veulent pas améliorer le monde, obtenir une meilleure répartition des richesses, faire progresser la justice ou la liberté. Ils veulent faire périr ceux qui n’obéissent pas aux lois de Dieu. Ils veulent éradiquer la mécréance.
Un djihadisme « ordinaire » ?
Certes, on peut toujours estimer qu’il s’agit là d’une sorte de folie, mais c’est le cas de tous ceux qui se trouvent hors de la raison commune. Le nazisme était bien une sorte de folie, mais c’eût été folie que de la traiter comme telle.
Alors, en y réfléchissant bien, on voit bien que le djihadisme, s’il n’est combattu que par les lois du temps de paix ne s’arrêtera jamais et conduira aux pires solutions. Car nos dirigeants, en restant dans leur apparence de déni, en continuant à vanter l’islam comme religion de paix et d’autant plus véhémentement que les attentats apportent périodiquement leurs lots de démentis, en continuant de sanctionner et de plus en plus sévèrement ceux qui disent que le roi est nu, en usant du monopole des médias pour marteler plusieurs fois par jour, et tous les jours, qu’il ne faut pas faire d’amalgame, en faisant croire qu’on a mis en place des centres de « déradicalisation », ceux qui nous gouvernent nous préparent, à terme, le pire. Car comment peut-on croire que les populations accepteront de vivre avec un djihadisme ordinaire comme on nous demandait de nous habituer à vivre avec un antisémitisme ordinaire…
Alors essayons de prendre au sérieux la proposition de Jeannette Bougrab. Nous avons déjà un parquet antiterroriste. Sans se cacher, cependant, que ce ne serait ni facile ni sans danger, on pourrait peut-être aller un peu plus loin…
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