De 1967 à 1990, l’acteur a porté l’imper et la pipe du personnage créé par Simenon à la télévision française
Il y a des plaisirs régressifs qui viennent de très loin. Une odeur de potage aux poireaux et des relents de Brouilly ensauvagent la cuisine de ma grand-mère. J’ai un goût de Tang orange sur la langue et j’ai trop abusé de « Chamonix » durant l’après-midi. Le socialisme triomphant n’aura pas entamé mon appétit. Dans notre famille de négociants, tous les plats sont copieusement arrosés au vin, des œufs au coq, en passant par l’entrecôte. « Marchand de vin » est chez nous plus qu’une profession, c’est un sacerdoce alimentaire.
Ce soir, nous dînerons d’œufs en meurette et d’une salade de pissenlits aux lardons. Ma chambre jouxte les chais où sont entreposés d’immenses foudres, ces barriques géantes me terrifient, à la nuit tombée. Leur ombre dessine des monstres bachiques et orgiaques. Et puis ce parfum de tanin, puissant et enivrant, qui résiste à trente années de rénovation. Une cave reste une cave même transformée en garage auto. L’essence ne pourra jamais annihiler l’imprégnation vinique, notre empreinte
