Actuellement, on ne sait pas si l’Afghanistan va servir de terrain à tous les groupes islamistes du monde. Mais une chose est sûre, l’Afghanistan des talibans – mal voire pas du tout administré – ne sera jamais l’organisée République islamique d’Iran…
Ancien correspondant de guerre pour Libération, Jean-Pierre Perrin est l’auteur de Kaboul, l’humiliante défaite (Éditions des Équateurs, 2022). Pour Causeur, il analyse la situation afghane six mois après la prise de Kaboul.
Causeur. Une délégation de talibans vient de se rendre en Norvège. Est-ce un début de reconnaissance internationale ?
Jean-Pierre Perrin. Non, je ne dirais pas ça. La communauté internationale, comme on dit, veut aider les Afghans à affronter la famine. Dès lors, elle traite avec la puissance qui domine le pays. Pour autant, je ne vois pas de reconnaissance. Depuis leur prise pouvoir en août 2021, les talibans n’ont marqué aucun point. Contrairement à il y a vingt ans, aucun pays ne les a reconnus. Entre 1996 et 2001, ils avaient été reconnus par le Pakistan, par l’Arabie Saoudite et par les Émirats Arabes Unis. Aujourd’hui, même le Pakistan ne les a pas reconnus et ne le fera sans doute pas le premier. La Chine, qui leur avait déroulés le tapis rouge avant leur arrivée au pouvoir, semble avoir pris ses distances. Sans doute n’a-t-elle pas obtenu de garanties en ce qui concerne la neutralité des talibans envers les Ouïghours, notamment. Quant aux Russes, ils sont dans une situation très attentiste, ils ne parlent pas beaucoup des talibans. Sur le plan diplomatique, les talibans n’ont donc pas réussi à progresser. Mis à part au Pakistan, toutes les ambassades afghanes du monde sont désertes ou tenues par des fonctionnaires de l’ancien gouvernement.

Toujours est-il que les talibans ont chassé les Américains de cette partie du monde…
Oui et c’est une victoire importante. L’Occident, les États-Unis mais aussi l’Otan, sortent humiliés de cette défaite avec des effets importants à moyen terme. L‘armée la mieux équipée du monde, la mieux entraînée (et bénéficiant de la supériorité numérique) a été paralysée. Les frontières du monde occidental ont reculé jusqu’aux rivages du Golfe.
Les Américains ne peuvent plus compter sur le Pakistan. L’Afghanistan est une zone blanche sur la carte du renseignement
Quand en 2001 les États-Unis sont intervenus, juste après le 11 septembre 2001, ils avaient pourtant tous les atouts dans leur main. La Russie avait donné son accord, la Chine n’y voyait pas d’inconvénients, toute l’Amérique du Sud avait donné son feu vert, et même Jean-Paul II avait admis que les États-Unis avaient
