Accueil Culture Jean-Pierre Brugneaux: l’errance folk

Jean-Pierre Brugneaux: l’errance folk


Jean-Pierre Brugneaux: l’errance folk
Détail de la couverture

Folk songes est un récit sans boussole qui célèbre l’errance à la manière des poètes de la beat generation ou des chansons de Dylan.


La fréquentation assidue des réseaux sociaux ressemble parfois à une errance, et on y fait de belles rencontres. Jean-Pierre Brugneaux est de celles-ci. Nous nous sommes découverts un amour commun pour la culture pop, il m’a donc fait parvenir son premier ouvrage : Folk Songes, aux éditions Spinelle. Je suis tombée sous le charme de ce récit très singulier, où l’auteur évoque l’errance, la route, comme un long poème, ou une chanson qui ressemblerait à une improvisation de jazz.

Jean-Pierre Brugneaux D.R.

Rimbaud, Verlaine, Burroughs…

Jean-Pierre Brugneaux, aujourd’hui travailleur social, a connu une jeunesse tumultueuse, les pieds dans la poussière quelquefois, et la tête dans les étoiles toujours. Ce fanatique de jazz et de rock, qui fut pigiste pour des fanzines et pour la presse quotidienne régionale, a toujours écrit en dilettante, et puis il s’est décidé à fixer ses vertiges, pour paraphraser Rimbaud. Il faut dire que Brugneaux vit dans les Ardennes. Le poète voyant est donc une de ses références assumées, il aurait pu faire siens ces vers de Ma bohème « Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J’allais sous le ciel, Muse ! Et j’étais ton féal ».

Référence assumée également, à Kerouac et son Sur la route. Ce récit définitif, qui bouleversa, à mon sens, la littérature de la deuxième moitié du vingtième siècle, en déstructurant la linéarité de la narration, pour lui insuffler de la poésie, à l’image des surréalistes en France. Les beatniks sont des surréalistes du réel, plus bruts et plus charnels. Et rock’n’roll. Etre beat, selon Kerouac, c’est : « être dans la dèche, mais rempli d’une intense conviction ».

A lire aussi, Jérôme Leroy : Nerval, pionnier du «shifting»

Seulement le rythme et la syntaxe de la langue française ne se prêtent pas au style beatnik syncopé et  largement inspiré du jazz, ni au « cut up » – une pratique qui consiste à transposer à l’écrit la méthode du collage –  chère à William Burroughs. Mais Jean-Pierre Brugneaux, on ne sait par quel miracle, le talent probablement, a réussi à faire sonner ses mots selon le rythme et la manière des poètes beatniks.  En effet, son récit est constitué à la fois de phrases claires et réalistes, et de dérives hallucinatoires dans lesquelles il se perd quelquefois, pour toujours retomber sur ses pieds : « Les pluies s’évaporent. J’essuie le trottoir, équilibriste tranquillisé. Sous traitement médicamenteux sévère. L’alcool ne pourra pas me soulager des eaux stupides. J’avance à reculons. Je régresse émotionnellement depuis des années. Je vais revenir à ma naissance et peut-être retrouver enfin mes potes des seventies disparus si tôt, vingt années plus tard. Je sens les images animées, tourner comme une plaque d’égout calcinée. Leurs voix espèrent une vie libre et soudaine ».

Le rythme des saisons

Cependant, cette errance n’est pas si chaotique ; en effet, elle est structurée selon le rythme des saisons. Mais un rythme bouleversé, le récit part de l’été pour arriver au printemps. De l’été lumineux et consolateur, au pourrissement de l’automne, la glaciation de l’hiver, et, enfin le printemps et sa promesse de renouveau. Ce renouveau, qui bien sûr apporte l’amour, auquel l’auteur consacre sa dernière partie : « Hors saison ». L’amour, qui sera sa rédemption et qu’il évoque dans un très beau poème aux accents entre Verlaine et Dylan : « Je me suis marié avec Iris le dixième jour de mai ». Ces vers sont en effet très fortement inspirés d’une chanson de Dylan : Isis : « I married Isis on the fifth day of may », mais, dans le reste du poème, on entend également Verlaine : « Pour de vrai, les mauvais jours partent, Je t’écris mes nuits, ces larmes mortes.

Le récit de Brugneaux est une déambulation sur des rails ensanglantés (« Blood on the tracks » est le titre d’un album de Dylan), un funambulisme, qui, malgré les obstacles, le guidera vers la lumière.

Folk songes, de Jean-Pierre Brugneaux (éditions Spinelle)

Folk Songes

Price: 14,00 €

3 used & new available from 14,00 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent M’hammed Henniche: la charia made in France
Article suivant Le véhicule en dit long sur le rapport qu’on entretient au monde
est enseignante.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération