Depuis ma première rencontre avec Jean-Paul Enthoven, j’ai su que cet homme avait dans le regard mille tempêtes indomptées. C’était dans son bureau de directeur littéraire chez Grasset. Je venais l’interroger à propos de Paul Morand, pour ma biographie consacrée à l’auteur d’Hécate et ses chiens. Plus tard, lorsque j’ai lu ses Enfants de Saturne, ouvrage où l’on croise quelques grands noms de la littérature universelle, j’ai compris que les tempêtes s’étaient estompées pour céder la place à la mélancolie vive. Tout cela, bien sûr, était diffus, et ne reposait que sur une impression du cœur.

Pays rugueux, « toxique, trafiqué, malsain »
Je viens d’achever son nouveau roman Si le soleil s’en souvient. L’allitération du titre confirme ce que je pressentais : un passé charbonneux sans cesse tempéré par la mélancolie. Il faut du courage pour évoquer ses origines en ne les révérant point. Jean-Paul Enthoven est né en Algérie, lorsque le drapeau tricolore flottait au fronton de la grande poste d’Alger. Ce n’était plus l’ambiance lumineuse des jours limpides décrite par Albert Camus dans Noces ou
