Dans Je me retournerai souvent, Jean-Paul Enthoven évoque des souvenirs et des auteurs qu’il a connus, lus ou fréquentés. Pas pour les tièdes…
De sa retirance parisienne, en bordure du jardin abritant quelques œuvres célèbres de l’ogre Rodin, dont La Porte de L’Enfer, pour voir les allers-retours de Satan, Jean-Paul Enthoven nous offre une promenade littéraire et égotiste qui ravira les amoureux de la belle langue. La confession de l’ancien éditeur, devenu écrivain, vaut le détour. L’homme, de nature secrète, se met à nu, acceptant de montrer les défauts de la cuirasse, mais également ses qualités. On a l’image d’un esthète, toujours élégant, en pantalon blanc et chemise de lin, le visage halé, les lunettes fumées, le ton qui en impose, la remarque qui flatte ou qui tue, c’est selon l’interlocuteur. Il regrette l’Europe galante, en retrouve quelques éclats en Italie, notamment en Toscane, où réside sa Bien-Aimée, le long de la côte amalfitaine, sur l’île de Capri, sous le regard langoureux du fantôme de Bardot méprisé par Godard. C’est un sudiste sensuel qui prend des avions comme on fume un cigare. On lui envoie un message, il est à Miami, au Venezuela, il boit un cocktail en songeant à son prochain livre. C’est peut-être le dernier extravagant, dans le style de Paul Morand ; le Morand, visiteur du soir de Proust, l’homme des nuits ouvertes, de la nouvelle tranchante comme du diamant, du sprinter vers une ligne d’arrivée incertaine, obsédé par la camarde, de l’angoissé permanent. Mais aucunement l’écrivain statique, devenu académicien pour faire plaisir, encore une fois, à sa femme richissime et antisémite. De Gaulle a fini par retirer son veto. Il avait d’autres chats à fouetter. Le Morand crépusculaire du Journal inutile, confiant ses relents d’âme moisie à Jacques Chardonne, guère plus fréquentable que le sectateur de Pierre Laval, il le déteste, et comme il l’a aimé, sa phrase n’en est que plus assassine : « Il est toujours
