Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi est une comédie antiraciste qui se transforme en mauvais pamphlet racialiste.
Il arrive à tout le monde de dire une bêtise. Parfois celui qui la prononce est traversé après par un éclair d’intelligence qui le fait sourire de son idiotie, la faisant passer pour une blague. Le film de Jean-Pascal Zadi, Tout simplement noir, présentation semi-drolatique d’une France d’apartheid, ressemble à ce faux rire partant d’une vraie médiocrité.
Un film en noir et blanc
Voici le « pitch ». Jean-Pascal Zadi, le metteur en scène, est au départ un acteur noir, médiocre qui s’illustre publiquement par des happenings antiracistes comme le saccage d’une terrasse où il pioche dans les assiettes des blancs attablés pour « montrer ce qu’est la colonisation ».
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Il souhaite organiser une marche militante dédiée aux hommes noirs – puis aux Noirs tout court, grâce à une pirouette scénaristique au ras des pâquerettes – place de la République, le 27 avril, jour de l’abolition de l’esclavage en 1848, et finalement disqualifiée comme « date de blanc ». Pour faire parler de son grand raout, Zadi rencontre des personnalités du showbiz, notamment Fary qui lui ouvre ses accès dans le milieu, et chaque scène raconte une nouvelle rencontre avec une autre personnalité noire. Si le film a une intelligence, c’est celle d’exposer ainsi une pluralité de réactions, certains Noirs ne souhaitant pas se mêler à une marche communautaire parce qu’ils sont pleinement intégrés à la France. L’anti-héros s’égare quant à lui au fil des scènes dans un propos politique dont on ne saurait dire s’il relève de la simple blague ou de du propos engagé.
Au premier degré et demi
Au second degré, le film serait passé pour une simple comédie moyenne et familiale – style Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? : vannes communautaires mille fois poncées que les auteurs vivent peut-être comme des transgressions, faux débats de société, partagé entre repentance mémorielle et devises républicaines creuses car sans implication, bref : au second degré, rien à signaler. Le héros ne serait qu’un mauvais interprète qui impute ses échecs au « racisme systémique », comme tout indigéniste qui se respecte, ou à la manière dont l’antisémite de Sartre reproche au juif son omniprésence, qui l’empêche de gravir les échelons de la réussite sociale. On peut donc regarder ce film comme une dénonciation du communautarisme.
Jean-Pascal Zadi aurait pu faire du Molière, qui n’y va jamais avec le dos de la cuillère avec ses personnages. Car chez les précieuses, l’avare ou le bourgeois gentilhomme, le ridicule est toujours poussé à bout et rien n’est à sauver chez eux.
Jean-Pascal Zadi est plus frileux : son personnage est mauvais, parfois exécrable, jaloux d’un Omar Sy à qui il aurait tout à envier, jusqu’au sourire éclatant. Pourtant il émane de cet engagement politique stupide du personnage central un je-ne-sais-quoi très sérieux.
Une déclaration d’hostilité à la France blanche?
La fin ne laisse plus d’ambigüités sur les intentions réelles d’un film qui, comme un spectacle de Dieudonné – cité comme le « Noir infréquentable » du film – surfe constamment entre le faux rire sympa et la lutte idéologique. Dans un « face caméra » qui ne fera sans doute pas date dans l’anthologie du cinéma, Fary déclare ce que Zadi avait déjà déclaré au début : « La situation des Noirs en France est catastrophique ». Pour cela il appelle les noirs de France à « ne rien faire » le 15 octobre. De cet appel à la grève général, Fary veut voir si les Noirs « manquent à la France ».
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Le film se conclut donc sur une stance déclamée dans le générique de fin par un humoriste qui a fait sa carrière sur des vannes communautaires et des attaques contre Eric Zemmour (quelle originalité !). Habillée en fringues de luxe dans un beau bureau parisien, la starlette interpelle le spectateur, surtout s’il est blanc, pour lui apprendre qu’il est raciste comme son pays et que sa couleur est son avantage. Si le message n’était pas bien passé, les seuls blancs apparaissant dans le film sont là pour le marteler : ils sont racistes comme le réalisateur joué par Matthieu Kassovitz, sauf bien-sûr Augustin Trapenard et la femme de Jean-Pascal Zadi. Car si les racistes avaient à l’époque leur « bon nègre », certains noirs ont aujourd’hui leur « bon blanc bec ».
Eric Judor et Fabrice Eboué ne suffisent pas à sauver le film
J’aurais aimé simplement rire de ce film, dans lequel on retrouve Eric Judor ou Fabrice Eboué, ils m’ont comme toujours plié de rire. On peut bien-sûr prendre ce film à la légère en mettant de côté son racialisme.
Mais dans le contexte où nous nous trouvons, à l’heure où les statues de Churchill et de Colbert sont en péril, où il est de bon ton de démolir tout témoignage d’une histoire qu’on dit coupable, à l’heure où l’on fantasme des inégalités raciales qui ne se résorberaient qu’après la dégradation de « l’homme blanc » en citoyen de seconde zone, je déciderai de prendre ce film pour ce qu’il est politiquement : une déclaration d’hostilité à la France blanche.
Tout simplement noir de Jean-Paul Zadi, en salle depuis le 8 juillet.
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