Accueil Édition Abonné Jean-Marie Le Pen: « Le Rassemblement national a perdu son caractère radical au moment précis où l’opinion était prête à l’accepter »

Jean-Marie Le Pen: « Le Rassemblement national a perdu son caractère radical au moment précis où l’opinion était prête à l’accepter »

Rendez-vous à Montretout 1/2


Jean-Marie Le Pen: « Le Rassemblement national a perdu son caractère radical au moment précis où l’opinion était prête à l’accepter »
Jean-Marie Le Pen dans son hôtel particulier au parc de Montretout, juin 2021. "À 90 ans, je me suis dit que j'entamais la dernière ligne droite." © Hannah Assouline

À 94 ans, le Menhir est retiré de la vie politique, mais il en demeure un observateur passionné. Il prédit un véritable « tsunami démographique », et n’imagine pas un embrasement des banlieues en cas de victoire de sa fille « dédiabolisée » qu’il soutient sans enthousiasme excessif. Mais si Marine était élue, ce serait « sur un rejet de Macron ».


Rendez-vous à Montretout

C’est le théâtre romanesque et un brin mélancolique de la saga politique et familiale des Le Pen : une belle demeure du XIXe siècle, située sur les hauteurs de Saint-Cloud. Il y a quinze ans, j’aurais eu le sentiment, en y allant, de me rendre dans l’antre du diable. En ce mois de juin 2021, j’ai l’impression de partir en voyage dans l’histoire de France. Pas seulement à cause de l’amoncellement de photos, objets, statues, livres. Jean-Marie Le Pen n’est plus l’ombre maléfique de la politique française, il est l’une de ses mémoires.

Depuis l’Algérie, il a tout connu et tout vécu, il les a tous croisés. On dirait que l’enfant de pauvre qui parle un merveilleux français, l’observateur amusé et subtil de l’histoire en marche effacent peu à peu le tribun vindicatif et le provocateur aux blagues de fin de banquet. Des propos qui faisaient hurler dans sa bouche il y a trente ans sont devenus des lieux communs. Les moulins à prières antifascistes continuent de tourner, mais le cœur n’y est plus. D’ailleurs, les journalistes de tous bords vont à Montretout pour de longues conversations.

Peut-être suis-je naïve, ou oublieuse, je ne crois plus à son personnage de raciste-antisémite, même s’il y a mis du sien. Bien sûr, il y a ce détail qui lui colle à la peau. J’espérais lui arracher un remords à ce sujet. On me dira que l’outrageante formule était un aveu. Peut-être Le Pen pense-t-il que les Juifs ont un peu trop joué « les chouchous du malheur[1] ». Cela fait-il de lui un antisémite ? Il sait parfaitement ce que la tentative d’extermination des Juifs a de singulier et pourquoi elle est une blessure dans la conscience européenne. Dans un documentaire, on lui prête cette formule, à la sortie du studio de RTL le 13 septembre 1987 : « En quarante ans de vie publique, c’est la pire connerie que j’ai dite. » Je suis convaincue qu’il le pense. Mais plutôt mourir incompris que de dire ce qu’on attend de lui. On n’arrête pas d’être breton à 93 ans.
[1] Je crois bien que cette formule m’a été soufflée il y a des lustres par Alain Finkielkraut.

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Causeur. Quand j’ai dit autour de moi que j’allais vous interviewer, je m’attendais à ce qu’on me propose une longue cuillère et pousse des cris d’orfraie. Mais non ! Et le plus étonnant, c’est que plusieurs jeunes m’ont proposé de m’accompagner, comme si vous étiez devenu « hype » ! Cela s’explique en partie par le fait que vous ne briguez plus aucune fonction. Pensez-vous aussi que le pays vous a rejoint idéologiquement ?

Jean-Marie Le Pen. Sûrement. J’ai été l’objet d’une injuste persécution fondée sur des faits falsifiés, une interprétation abusive. Ce n’était pas très élégant, mais comme c’est Le Pen, alors on pouvait y aller.

Certes, quand je défilais en scandant « l’immigration une chance pour la France », vous aviez bien vu le danger migratoire. Mais la façon dont vous en parliez a permis à beaucoup


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Été 2021 – Causeur #92

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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