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Mélenchon, le « coco » ivre


Mélenchon, le « coco » ivre
Jean-Luc Mélenchon à Paris lors de la manifestation du 23 septembre 2017 contre le "coup d'Etat social" d'Emmanuel Macron. SIPA. AP22108200_000001

On cherche à Jean-Luc Mélenchon de mauvaises querelles depuis qu’il a harangué les Gens place de la Bastille. Avant de dégager, les journalistes tirent leurs dernières cartouches avec une mauvaise foi qu’en dépit de son grand entraînement, il ne saurait égaler.

Car souvenez-vous, les Gens… Le 19 août 1944 au matin, 2 000 policiers résistants s’emparèrent de la Préfecture de Police, y hissèrent le drapeau tricolore, ainsi que sur Notre-Dame, et engagèrent le combat avec les Allemands. Dans la matinée, ils furent enrôlés dans les FFI. Pour, enfin, le lendemain, prendre l’Hôtel de Ville. Cet engagement tardif d’une institution coupable d’avoir montré un zèle certain à seconder les Allemands durant l’Occupation ne fut-il pas celui de la rue ? Ces courageux policiers n’étaient-ils pas des Français du peuple ? Leur petit nombre à s’engager dans la lutte pour la liberté ne fut-il pas tout à fait représentatif du petit nombre de Français résistants avant le jour du défilé sur les Champs-Élysées le 26 août 1944, où il y eut dans l’assistance plus de résistants que la France ne comptait de citoyens ? Et qu’importe si ce jour-là, les Allemands étaient partis. C’est sans doute parce qu’ils avaient senti venir cette ire irrépressible des Gens que les envahisseurs avaient fui… D’ailleurs, Jean-Luc n’a jamais prétendu que la rue qui chassa les nazis était majoritaire. Il serait même prêt à accorder que ce fût une ruelle qui en vint à bout…

Un siècle après…

Le problème n’est pas que Jean-Luc ait comparé Macron ou Juppé aux nazis. Il ne l’a pas fait. Le problème est que ce fin connaisseur se livre à une manipulation éhontée de l’histoire en toute conscience. Peut-être que, comme le suggère Jean-Christophe Buisson dans Le Figaro, pressé par le temps, il en vient à s’imaginer un destin léninien, troublé par la coïncidence de certains évènements.

Certains se rappelleront « Un siècle après », chanté par Serge Reggiani :

Le secrétaire d’Abraham Lincoln, qui s’appelait Kennedy

Lui conseilla : « Au théâtre, n’y allez pas vendredi »

Un siècle après un autre Lincoln au président Kennedy

Déconseilla de se rendre à Dallas ce vendredi

 

Abraham Lincoln fut élu président

Abraham Lincoln en l’an 1860

John Fitzgerald Kennedy fut élu président

John Fitzgerald Kennedy en l’an 1960

 

Andrew Johnson, successeur d’Abraham Lincoln

Andrew Johnson naquit en 1808

Lyndon Johnson, successeur de Kennedy

Lyndon Johnson est né en 1908

Emmanuel « Kerenski » Macron

Et justement en octobre… il y aura un siècle que Lénine…

Février 1917. Le mois ou le peuple russe n’a plus voulu se soumettre. Le mois ou les Gens russes sont devenus des insoumis ! Le peuple avait dégagé le tsar comme les Français ont dégagé Sarkozy en 2012. Et que se passa-t-il alors ? La Douma confia le pouvoir au prince Lvov ; dont la mollesse dans la tempête nous rappelle furieusement le capitaine de pédalo préféré de Jean-Luc. Tandis que Hollande fut trahi par son ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, qui devint président, Lvov fut contraint de démissionner et remplacé par… son ministre de la Justice, Alexandre Kerenski, qui devint président. À 36 ans, ce jeune et brillant avocat venant de la société civile avait conquis le pouvoir. Il séduisait les foules par sa jeunesse. Les femmes le trouvaient beau, sa fréquentation des prétoires lui avait conféré une grande aisance d’expression et il adorait se produire en public.

Ça ne vous rappelle rien les Gens ?

Et que fit ce jeune apparatchik de ce pouvoir obtenu grâce au sang du peuple ? Les Gens voulaient des bouleversements, ils avaient des réformes ! Une révolution au compte-gouttes ! Ivre de sa popularité nouvelle, Kerenski était partout. Sur tous les fronts, dans toutes les réunions, sur toutes les estrades. Il menait l’élimination des membres de l’Ancien régime et, « en même temps », assurait leur défense lorsque le peuple menaçait leur vie. Comme notre président, il promettait tout et son contraire – en même temps. Comme notre président, il tentait de contenter les uns et les autres, ménageant la chèvre et le chou, mécontentant finalement tout le monde. Cette modération lui permit même d’avoir parfois le soutien du Parti constitutionnel démocratique, sorte de radicaux de droite, un genre de LR de l’époque.

Lénine est arrivé

Alors vint Lénine. Grâce à l’abnégation des insoumis réunis en soviets, il fédéra les mécontentements sociaux, agrégea les fâchés pas fachos. Il organisa la colère et son expression dans la rue. Et de même que Jean-Luc nous demande de déferler sur les Champs-Élysées, Lénine déclara qu’il était temps pour le peuple de « déferler » dans toute la Russie pour en finir avec le gouvernement provisoire bourgeois qui avait confisqué la révolution au profit d’une nouvelle élite, par un coup d’État feutré, une sorte de coup d’État social quoi.

À force de vitupérer les « Hamon » et les « Laurent » de son époque, Lénine devint le seul représentant crédible de l’opposition et attendit que les mesures impopulaires prises par Kerenski, aggravées par son orgueil de plus en plus démesuré, le rendent assez détestable pour être contesté dans la rue. C’est ce qui arriva le 25 octobre 1917.

Jean-Luc Mélenchon a failli réussir à faire croire que son aptitude à la véhémence, sa violence rhétorique et ses coups de gueule faussement spontanés étaient l’expression de la colère populaire, plutôt que celle de son carriérisme trop souvent contrarié. Mais, maintenant que le peuple ingrat l’a trahi, le privant du second tour de la présidentielle, ne lui octroyant que 21 députés, que lui reste-t-il après une aussi longue route politique, sinon le fantasme d’un 25 octobre « un siècle après ».

François Mitterrand disait de lui : « Il est doué et ira loin, à condition que sa propre éloquence ne l’enivre pas. » Je ne peux que constater qu’il est tellement ivre des effluves du pouvoir, qui n’ont finalement fait que lui effleurer la narine, qu’il ne se contente pas de voir double. Il voit quintuple d’après la police, qui recense 30 000 manifestants là où il en claironne 150 000. Pour être plus objectif, entre les chiffres mencheviks de la police et ceux bolcheviks des Insoumis, on peut penser qu’il voit au moins triple.

Ce qui demeure le signe d’un état de confusion certain.

Octobre 2017 - #50

Article extrait du Magazine Causeur




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est cinéaste et scénariste. Il a notamment réalisé La journée de la jupe (2009).

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