Après Mélenchon, plus d’une personne s’interroge sur l’identité du prochain candidat de gauche aux présidentielles de 2027. D’autres souhaiteraient qu’il n’y en ait pas. Le billet de Philippe Bilger.
Quelle décontraction de s’abandonner à des analyses qui rassurent et ne vous concernent pas directement !
Au risque de m’abandonner à des paris discutables, je vais quitter le camp conservateur et libéral largement entendu, dans lequel le vainqueur de 2027 se trouvera, je l’espère, pour tenter une incursion dans la cause adverse – dont la défaite future ne me fera pas de peine.
En effet, considérant tous les candidats de la droite et du centre déjà déclarés, probables, possibles, il me paraît évident que la joute présidentielle, dans sa lutte finale, pourra mettre aux prises notamment Marine Le Pen, Gérald Darmanin, Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez, David Lisnard, Xavier Bertrand, Jean Castex peut-être… C’est dans ce vivier que le peuple français choisira celui ou celle (je maintiens le point de vue de mon billet du 18 juillet 2023: « Avec Marine Le Pen, en 2027 pas deux sans trois ?« ) qui aura l’honneur de le représenter.
De l’autre côté, pour la Nupes, on serait passé « de l’euphorie à la désillusion » (Le Parisien) et on s’interrogerait sur « qui, à gauche, veut détrôner Jean-Luc Mélenchon » (Le Figaro).
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Qu’on me permette de douter non pas de la qualité (quoique très largement inégale à mon sens) de ces personnalités mais de la plausibilité de leur victoire en 2027 : qu’il s’agisse d’Eric Piolle, de Clémentine Autain, d’Olivier Faure, de Fabien Roussel, de Sandrine Rousseau, de Carole Delga, de François Ruffin ou de Bernard Cazeneuve. On pourrait me juger, au moins pour quatre d’entre elles, bien superficiel et précipité dans mon appréciation, mais pourtant je ne la crois pas fausse.
François Ruffin est et a une nature singulière qui a compris, sur le tard, que LFI faisait fausse route en négligeant la part sociale et populaire de la politique et en méprisant le registre régalien de l’Etat. Il a un talent qui n’est ni classique ni conventionnel, et cela lui donne à bon compte une réputation de trublion officiel d’avenir. Mais la pire des choses lui est arrivée avec ce qu’on pourrait qualifier de laissez-passer délivré par Jean-Luc Mélenchon. Une manière subtile de le surveiller en lui laissant apparemment la bride sur le cou.
Clémentine Autain a eu le courage en plusieurs circonstances de s’opposer à Jean-Luc Mélenchon, à ses pratiques totalitaires et à ses choix partisans. Ce n’est pas rien. Mais sa vision sociale, politique et sociétale n’est guère éloignée de celle de Jean-Luc Mélenchon et il me semble que son bagage est trop mince pour représenter autre chose qu’une belle espérance pour les siens, avec sa douceur trompeuse et sa dureté dogmatique et médiatique.
Carole Delga a sa région pour elle, c’est sa seule preuve, son argumentation exclusive. Son pragmatisme peut séduire, mais le socialisme qui lui reste inspire la méfiance. Je ne la vois même pas, en étant optimiste, capable de faire un parcours à la Ségolène Royal en 2007 ! On risque de déchanter : bonjour les Delga !
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Fabien Roussel inspire la sympathie, on m’assure qu’il la mérite. Il a redonné des couleurs au parti communiste et à l’exception d’étranges prudences sur Staline, il bénéficie, grâce à son parler-vrai sur certains sujets et à son bon sens qui s’accorde avec celui d’une majorité de Français, d’une adhésion forte mais qui ne lui garantira aucune avancée réellement politique. On l’aime bien même s’il est communiste. Pas parce qu’il l’est. Le fait qu’il ait senti d’emblée le traquenard de la Nupes est un plus pour sa lucidité : il n’est pas neutre que, dans la gauche et l’extrême-gauche, Fabien Roussel apparaisse comme une embellie !
Alors reste la brillante, insupportable, clivante et dangereuse personnalité de Jean-Luc Mélenchon. On a tellement dit qu’il était éloquent, qu’il avait une immense culture historique, qu’on a fini par oublier qu’il relevait de l’ancien monde où il ne jurait que par François Mitterrand. Son hystérie révolutionnaire qui a pris la relève n’est destinée qu’à donner le change : elle marche, puisqu’elle est prise au sérieux et que ses injonctions enflammées et ses délires parfois si peu républicains font de l’effet sur des esprits déjà convaincus et chauffés à blanc. François Mitterrand cachait mieux le mépris qui l’habitait et qu’il distillait plus finement.
Si l’un des quatre que j’ai mentionnés plus haut lui damait le pion, le détrônait à gauche, je serais évidemment heureux de constater la mise à bas de son impérieux narcissisme, mais j’avoue mon inquiétude car il est précisément protégé par la relative faiblesse, tactiquement et stratégiquement, de ses concurrents. Son bouclier est son arrogance d’autant plus exprimée qu’il n’est plus en terrain conquis et muet.
Depuis la réélection d’Emmanuel Macron, qui ne sait pas que Jean-Luc Mélenchon mettrait la France à feu et à sang avant même que sa politique y pourvoie?
Notre pays n’est pas si généreux en belles nouvelles pour qu’on néglige ce futur démocratique : en 2027, nous ne l’aurons pas à la tête du pays. Un autre non plus…
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