C’est le grand oublié de cette année anniversaire, 2022 marquant le centenaire de la mort de Proust. Jean Lorrain, figure de la vie mondaine et littéraire de la Belle Epoque, homosexuel notoire, fantasque et graphomane, incarne par ses excès l’autre Paris du jeune Marcel.
Sur la façade du 96, rue La Fontaine, dans le 16e arrondissement de Paris, une plaque signale que Marcel Proust, en 1871, est venu au monde à cette adresse. Rien n’indique en revanche, au 45, rue d’Auteuil, que Jean Lorrain y a vécu un temps. L’hôtel particulier, dont l’écrivain et journaliste loue le premier étage en 1891, n’a pourtant pas disparu du paysage. Jean Lorrain a toutefois donné son nom à la belle place plantée de platanes qui lui fait face, alors qu’une modeste avenue honore l’auteur de La Recherche du temps perdu. Comme quoi la gloire ne se mesure pas aux arpents qu’on lui dispense. Qui sait, en 2022, à quel point Jean Lorrain a été, à la Belle Époque, une figure littéraire et mondaine de premier plan ? Un homme jalousé, craint, haï mais célèbre. Beaucoup plus jeune que lui, regardé comme un rentier dilettante et snob, Proust, en comparaison, n’est alors rien du tout.
Insatiable lubricité
Paul Duval, futur Jean Lorrain, naît à Fécamp en 1855, dans un milieu de bourgeoisie d’affaires. Il est fils unique, choyé par une mère possessive et tourmenté par un père irascible. Monté à Paris, ce Rastignac distribue Le Sang des dieux, son premier volume de vers, à Heredia, Leconte de Lisle, François Coppée, Judith Gautier… Il se lie au
