Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, candidat à la présidentielle
Le 26 janvier, Jean-Louis Touraine, député de La République en Marche (LREM), a déposé une nouvelle proposition de loi visant à « garantir et renforcer les droits des personnes en fin de vie ». Le 3 février suivant, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie dépose une autre proposition de loi visant à « établir le droit à mourir dans la dignité ». Deux initiatives législatives soutenues par l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) qui se fend d’une lettre ouverte à Emmanuel Macron relayée par le quotidien Le Monde ce même 3 février. Qui peut croire que cette rafale de coups de boutoir contre la Vie est un hasard ?
Il s’agit ni plus ni moins que de revenir à la charge sur l’une des principales promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière de bioéthique: l’euthanasie. Paradoxalement, la proposition de loi est déposée au moment même où le coronavirus fait sa loi en France, à l’heure où nos gouvernants n’hésitent plus à confiner totalement ou partiellement toute une population pour pouvoir « sauvegarder des vies » comme ils disent, et à fermer les commerces dits « non essentiels » ou maintenir les étudiants claquemurés, allant jusqu’à pousser des désespérés au suicide… C’est pourtant sans ironie que Monsieur Touraine prétend vouloir « apprendre à mieux respecter nos libertés », alors même que nos libertés n’ont jamais été autant bafouées.
Il nous parle ainsi de « droit universel », de « responsabilité » ou de « respect des libertés ». Ces mots-clés font mouche comme autant d’éléments de novlangue imaginés par Aldous Huxley dans son Meilleur des Mondes. Nous ne sommes pas dupes ! Ainsi, Monsieur Touraine nous explique que l’euthanasie ne doit pouvoir être appliquée qu’à une personne « capable », éprouvant une « douleur physique » ou une « souffrance psychique insupportable », afin d’effectuer un choix « libre et éclairé ». C’est oublier que rien ne rend aussi incapable d’effectuer un choix libre et éclairé que la souffrance qui étouffe la flamme vitale et annihile la volonté des individus. Autant demander à un suicidaire s’il souhaite se suicider en lui tendant une corde au lieu de l’en dissuader. Il s’agit donc de se rendre complice de la mort de milliers de personnes. Mais cette proposition de loi ne s’adresse pas seulement aux personnes capables de choisir comme il le prétend, puisqu’en l’absence de directives anticipées ou de personnes de confiance ayant reçu des instructions, il préconise la mise en place d’une « hiérarchie des proches de l’intéressé » à commencer par les époux, les partenaires liés par un PACS, les concubins… Cette disposition ouvre la porte à tous les abus possibles et imaginables, des meurtres intéressés aux règlements de comptes. Remarquons, soit dit en passant, que les parents, les frères et les sœurs sont, dans l’ordre hiérarchique imaginé par Monsieur Touraine, les derniers autorisés à décider du sort de l’individu, comme pour s’assurer que les liens du sang constitueront le moins possible un obstacle à l’euthanasie.
L’auteur de cette proposition pense tout de même à nous expliquer que le choix peut être révoqué à tout moment. Seulement, il ne précise pas comment une personne en incapacité de parler peut révoquer son « choix » de manière explicite. L’affaire de Vincent Lambert nous a en effet montré la réalité de nombreuses personnes vivant en état pauci-relationnel, et que la logique d’un consentement de la personne ne serait pas automatiquement respectée dans le processus d’euthanasie. Il oublie qu’un patient peut d’ailleurs changer d’avis, même après avoir signé le fameux papier de consentement. Quant à la clause de conscience proposée par les députés de LREM, le même tour de passe-passe utilisé pour l’avortement nous est présenté sous le masque de la conscience libre. En effet, elle impose au médecin qui refuse l’euthanasie, de trouver un autre médecin dans les deux jours pour le pratiquer à sa place, ce qui le rend moralement complice de la mort du patient. Enfin, comment pouvoir justifier qu’une personne euthanasiée soit ensuite considérée comme décédée de mort naturelle, comme le stipule cette proposition de loi, ce qui est factuellement faux ? Au même titre qu’il est injustifiable que des personnes décédées pendant cette épidémie se voient ajouté une mention « mort de la Covid-19 » pour augmenter la terreur et servir la dictature sanitaire.
Ainsi donc, nous voici dans une société qui refuse le risque, qui interdit, qui confine et enferme les populations pour les protéger d’une mort hypothétique. Et lorsque les individus parviennent à un âge défiant toute statistique, qu’ils en arrivent à ne plus être en possession de leurs moyens à cause du poids du temps ou de la maladie, cette même société souhaite leur donner le sinistre choix de la vie impotente ou de la mort par injection létale. Ce que la vie régulait naturellement autrefois, la société souhaite se l’arroger pour en être l’unique artisan, prétendant agir pour la Liberté, alors qu’elle n’agit que par nihilisme, quand ce n’est pas par pur intérêt économique. En 1840, Alexis de Tocqueville décrivait déjà ce despotisme doux dans lequel l’État règle chaque aspect de la vie des citoyens de sa naissance jusqu’à sa mort[tooltips content= »Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Édition 1848, Tome 4, Quatrième partie, Chapitre 6. »](1)[/tooltips] : « il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? ». Ce sera bientôt chose faite si nous laissons faire, sans indignation, sans dénonciation, sans résistance, des parlementaires comme Monsieur Touraine ou Madame de La Gontrie poursuivre leurs funestes propositions visant à promouvoir la culture de mort.
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