Jean-François Laville raconte dans Viré (Plon, 2021) son éviction kafkaïenne de France télévisions, à la suite du mouvement MeToo. Une injustice moderne.
Rédacteur en chef du service des sports de France Télévisions, Jean-François Laville est licencié en 2020 pour des faits de harcèlement, aggravés par de nombreux témoignages l’accusant de « sexisme ». Il relate ces jours-ci cette expérience traumatisante dans Viré.
Les accusations dont il est la cible sont hasardeuses ou infondées, et il semblerait que tout ait été orchestré pour simplement écarter les « hommes blancs de plus de 50 ans » des postes de responsabilité. L’auteur cite à ce titre la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, qui déclarait dans une interview sur Europe 1 le 23 septembre 2015 : « On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans, il va falloir que ça change. »
Jean-François Laville nous fait pénétrer dans ce monde de plus en plus orwellien où nous nous enfonçons depuis le lancement du mouvement MeToo avec la conviction de « progresser ». Dans ce monde, le harcèlement sexiste et la « discrimination liée au genre » sont devenus d’excellents motifs de licenciement. La moindre attitude un peu trop familière devient suspecte, « toute relation est désormais normée par deux axiomes : “on doit“ et “on ne doit pas“ » déplore Jean-François Laville.
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Une histoire de places
Le procès pour impureté réactionnaire commence le 5 avril 2020 avec la déclaration de Delphine Ernotte à L’Equipe. À propos de la journaliste Clémentine Sarlat qui s’était vue refuser la co-présentation de l’émission « Stade 2 » en revenant de son congé maternité, Ernotte déclare : « Je l’ai appelée et j’ai échangé directement avec elle. Le harcèlement est intolérable dans toutes les entreprises et particulièrement dans le service public. L’égalité entre les femmes et les hommes est un combat que je ne lâcherai pas ». Et Laville d’en conclure : « Ce qui est lâché, c’est le mot harcèlement, il va donc falloir trouver un harceleur. » Notons au passage, sans porter atteinte à la sincérité de son engagement féministe, que Delphine Ernotte était alors en pleine campagne de réélection à la tête de la présidence de France Télévisions…
Le 25 juin, Mediapart enfonce le clou en publiant un article incendiaire : « A France Télévisions, le service des sports est un bastion sexiste ». On peut lire dans cet article : « entre-soi masculin » ; « parole féminine peu valorisée » ; « noyau masculin avec beaucoup de stéréotypes sur les femmes », etc. La publication de Mediapart provoque une vive réaction de la présidence de France Télévisions ; début juillet, Laville est convoqué pour un entretien préalable.
Des revanches personnelles
Laville fait le récit de l’impossibilité de toute communication normale et équitable avec ses accusateurs. Lors de son entretien préalable de licenciement, il apparaît que tous les témoignages non-anonymes allant à son encontre proviennent de personnes à qui il a, au cours de sa carrière, refusé certains contrats ou certains reportages ; non pas, évidemment, en raison de leur genre, mais pour des raisons d’intérêt du contenu ou des raisons budgétaires. « Une idée a toujours guidé mon action, nous sommes un service public et nous fonctionnons avec de l’argent public. Cet argent, parce qu’il appartient à tous, doit être utilisé à bon escient. Les personnes qui oublient cette notion, oublient également le sens du service public » se justifie l’auteur.
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L’homme nommé pour diriger son dossier en vue du licenciement est Guy Merle, ultra-cyborg de la pensée unique, trente-cinq ans, passé par deux entreprises privées et recruté à France Télévisions un an avant l’affaire comme DRH (tandis que Laville a une ancienneté de plus de 20 ans dans la maison). Il sera sans pitié et sourd à toutes les explications de bon sens de l’auteur. Pourtant, le licenciement apparaît d’autant plus injuste que Laville entreprenait depuis plusieurs années d’introduire davantage de femmes dans un service des sports forcément très masculin. Mais Guy Merle est inflexible : « Le nombre des témoignages à charge est accablant » répète-t-il en boucle, sans se soucier de la véracité de ceux-ci, ni de la cinquantaine de témoignages de soutien que Jean-François Laville avait obtenu de la part de ses anciens collègues, hommes et femmes.
France télé, ton univers impitoyable
Les deux premiers tiers du livre, qui décrivent cette entreprise de destruction sociale et psychologique, sont particulièrement captivants. On assiste à un procès ubuesque, et l’on imagine que les accusateurs qu’on nous donne à observer enverraient bien Laville au goulag.
Le dernier tiers est plus théorique, l’auteur y énumère des idées assez générales contre l’actuelle doxa néoféministe, on y voit poindre un peu trop de ressentiment – ce qui peut toutefois parfaitement se comprendre.
Ce récit n’est pas sans rappeler le cas d’Eric Brion, ex-patron de la chaîne Equidia et premier accusé du mouvement #Balance ton porc. Suite à une unique et malheureuse altercation avec la journaliste Sandra Muller (qu’il avait dragué salement alors qu’il était ivre en soirée), le quinquagénaire s’était également vu évincé de son job et avait été trainé devant la justice (Causeur avait suivi cette affaire, voir : Selon la cour d’appel, Sandra Muller a eu raison de diffamer Eric Brion). L’affaire de Jean-François Laville, peut-être moins connue, montre que nous n’avons pas fini de dresser l’inventaire des dégâts de Metoo !
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