À 83 ans, Jean-François Kahn publie ses mémoires, il revisite la Libération, le retour du Général, Mai 68, les années Giscard, Mitterrand, Le Pen. Moins des événements que ce qu’il préfère: des sensations, c’est-à-dire des idées.
La rédaction de cet article est antérieure au décès d’Axel Kahn survenu le 6 juillet NDLR. |
Qu’est-ce qu’un journaliste français ?
Si l’on regarde Jean-François Kahn – ça vaut le coup, il est le dernier d’une race menacée d’extinction, l’ultime avatar d’une chevalerie défunte –, on verra un vieux jeune homme avec deux mains qui s’agitent sans relâche autour de son front, une barbiche et des lunettes. Si on l’écoute, on entendra mille histoires, car il est très bavard ; et l’on saura qu’il aime Victor Hugo et la politique, l’histoire de France et les vieilles chansons françaises, Prévert et Clouzot, l’art lyrique et même l’opérette – un goût qu’il a acquis pour emmerder son père jadis.
Ce père a pesé d’une empreinte irrévocable sur l’éducation de Jean-François, d’autant que son suicide en 1970 a fait de lui un Commandeur énigmatique, et de son fils moins un orphelin qu’un éternel enfant. Un petit Hamlet en sneakers. Un autodidacte assoiffé. Un raisonneur intempestif, quoi encore ?… Un opposant à toute doctrine. Un justicier en songe mi-Pardaillan mi-Tintin reporter, hanté par une obscure allégeance et une faute qu’il n’a pas commise.
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Car ce n’est pas une dévotion vague, c’est une dette sacrée qui les relie, lui et son frère Axel, à Jean Kahn-Dessertenne, directeur du cours privé Godéchoux à Paris : « Il nous a appris à penser grâce à lui, avec lui, malgré lui mais avec son assentiment, s’il le fallait, contre lui-même. »
On soupçonne que le devoir de briller – l’ambition
