Accueil Édition Abonné Jean-Claude Milner: « L’école doit être inégalitaire »

Jean-Claude Milner: « L’école doit être inégalitaire »


Jean-Claude Milner: « L’école doit être inégalitaire »
Jean-Claude Milner ©Hannah Assouline

Causeur. La présidence Macron a déjà quelques semaines. À 39 ans, le nouveau chef de l’État a réussi à rallier une majorité de Français. Est-il simplement le représentant de la France qui gagne, celle des villes-monde et des métropoles ?

Jean-Claude Milner. C’est un peu plus complexe que cela. En tant que personne, Emmanuel Macron est une émanation des élites, issues de l’ENA ou des grandes écoles, qui raisonnent en termes de mondialisation et de territoire national. Mais il a manifestement passé une alliance avec les notables, des gens sédentaires aux enracinements locaux, qui très souvent s’opposent à Paris, comme les maires de Lyon et de Pau Gérard Collomb et François Bayrou.
Parmi les tentatives de réconciliation que Macron est en train de lancer, il y a cette possible entente entre les élites et les notables sur un certain nombre de sujets.

C’est tout de même la première fois que quelqu’un arrive au pouvoir avec un programme si clairement européiste. Or vous démontrez au début de vos Considérations sur la France une incompatibilité entre l’existence de la France et celle de l’Europe.

Pour Macron, tout le problème est de savoir par quelle voie il fera passer son européisme. Est-ce par celle des notables locaux qui voient dans l’Europe la possibilité de court-circuiter la haute fonction publique centrée à Paris ? Ou celle des élites pour qui elle est une occasion d’étendre leur pouvoir en passant, en quelque sorte, de l’ENA à l’ENA européenne située à Strasbourg ? Je pense qu’il n’a pas encore tranché.

Dans les deux cas, que deviendra la France ?

Dans son esprit, la France est sans doute appelée à devenir, comme on disait autrefois, « l’aile marchante de l’Europe ». L’Allemagne reste évidemment la puissance économique la plus forte, le pays le plus peuplé, avec un système politique qui a été renforcé par les récentes élections et un système d’alliances autonome qui fait qu’Angela Merkel ne se préoccupe pas de savoir si les autres pays européens considèrent que la Turquie serait un bon allié… À charge pour la France d’introduire de l’huile dans les rouages de l’Europe. Cela implique que les notables locaux changent : il ne s’agira plus de réfléchir aux intérêts de Lyon, de Pau ou de Bordeaux en tant que telles, mais comme grandes métropoles européennes tournées vers l monde.

À ce propos, comment interpréter les nouveaux intitulés respectifs du ministère des Armées et du Quai d’Orsay rebaptisé ministère « de l’Europe et des Affaires étrangères » ?

Le passage de la « Défense nationale » au ministère « des Armées » signifie que la question militaire n’est plus uniquement posée en termes de défense du territoire. L’armée joue en fait un faible rôle dans la défense du territoire. Pendant les attentats, ce n’est pas l’armée qui a été directement requise. Nos interventions militaires à l’étranger, notamment en Afrique, n’ont pas grand-chose à voir avec le terrorisme ni avec la défense du territoire.

Pourtant, les opérations armées contre les djihadistes au Mali et sur le territoire de l’État islamique visent aussi à endiguer le terrorisme sur notre sol…

Quand on parle de l’armée, ce n’est pas pour la défense nationale, et quand on parle de la défense du territoire, on ne parle pas de l’armée. Le « ministère des Armées » peut aussi vouloir dire « ministère de l’armée française et de l’armée allemande » tant l’existence de l’armée française pose question.

C’est-à-dire ?

Notre dépense budgétaire militaire étant importante, reste à savoir si l’armée française va être acceptée comme pertinente au niveau de l’Europe, puisqu’elle constitue le bras armé de l’Europe unie – l’armée allemande n’intervient pas à l’extérieur, et l’armée britannique se retire. Si bien que l’armée française est devenue la seule, professionnalisée, relativement performante sur le continent.
Dans mon livre, je prends l’exemple de l’Empire allemand, qui était clairement une unité de type fédéral. Chaque royaume et chaque principauté conservaient une certaine autonomie. Mais il était entendu que l’armée prussienne serait


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Juin 2017 - #47

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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