Causeur : Que proposez-vous aux Français ? Peut-on revenir à la France de 1960 et renoncer à la mondialisation ? L’électeur FN lui-même est-il prêt à refaire la queue aux postes frontières ?
Florian Philippot : Commençons par un constat : ces dernières années, un continent s’est isolé et s’est coupé de la croissance mondiale : l’Europe… c’est pourquoi nous prônons un réarmement économique et politique dans la mondialisation sans remettre en cause le développement des voyages, des échanges, des technologies. Mais dans la mondialisation actuelle, on nous demande de nous battre face à la Chine, à l’Inde, au Brésil et aux pays émergents sans monnaie, ni frontières, ni possibilités d’actions stratégiques de l’Etat vis-à-vis de certains secteurs de l’économie.[access capability= »lire_inedits »] Nous voulons pouvoir lutter à armes égales. Cela suppose une reprise en main qui passe notamment par le contrôle des frontières et la remise en cause de Schengen. Retrouver sa monnaie offrirait un levier d’action sur l’économie et permettrait de s’adapter à son niveau de compétitivité. Cela ne veut pas dire que nous construirons des miradors aux frontières ou une nouvelle ligne Maginot ! Nous voulons agir comme 90% des pays du monde, ni plus ni moins.
C : Mais grâce à l’UE, l’Europe a atteint la plus longue période de paix de son Histoire, ce qui lui a dernièrement valu le prix Nobel de la Paix…
FP : C’est absurde, l’Union Européenne est une des conséquences, et non pas la cause, de la paix sur le Vieux continent. Nous contraindre à accepter cette Europe-là au nom du maintien de la paix relève du terrorisme intellectuel. Quand un ensemble politique place l’idéologie au-dessus de tout, cela finit par engendrer la désunion voire la guerre. Regardez les tensions qui montent entre l’Allemagne, la Grèce et les pays du « Club Med » !
C : Ces tensions nous permettent d’aborder la question de l’immigration sous un autre angle : si, à cause de la crise, des Espagnols ou des Italiens entraient par milliers sur notre territoire – comme ils le font déjà en Allemagne – pour y trouver du travail, faudrait-il les arrêter ? Autrement dit, de l’immigration ou de l’islam, laquelle est l’ennemie du FN ?
FP : Nous sommes contre l’immigration et non pas contre les immigrés. Notre objectif est de passer de 200 000 entrées légales par an à l’heure actuelle à 10 000 en fin de quinquennat. L’immigration est un projet du grand patronat, Laurence Parisot étant systématiquement vent debout dès qu’on entend limiter les flux migratoires. Cela devrait interpeller Mélenchon et Besancenot que de jouer le jeu du grand patronat !
C. L’islam ne vous pose-t-il donc aucun problème particulier ?
FP : Le problème est le développement exponentiel de l’islam radical en France, phénomène qui résulte de la politique d’immigration ! Islamisme et immigration sont évidemment liés mais s’y surajoute une capitulation de la République française qui, depuis dix ou quinze ans, renonce à certains de ses principes cardinaux, comme la laïcité. On le voit sur le financement de certains lieux de culte, mais aussi devant la montée des revendications communautaristes à l’école ou dans l’entreprise.
Vous n’allez pas nous jouer cet air-là ! Ce n’est pas seulement l’islamisme qui vous pose un problème, mais l’islam que beaucoup de gens, au FN, considèrent comme hétérogène à la culture française…
Je connais personnellement des Français musulmans infiniment plus fiers de leur pays que pas mal d’étudiants de Sciences Po, pourtant de vieille ascendance française, qui vomissent le patriotisme.
Voilà pourquoi je ne confondrai jamais islam et islamisme ! Plus la République sera faible face à l’islamisme, plus elle laissera se développer des ghettos via l’immigration, plus elle laissera penser
aux Français que c’est l’islam le problème. Voilà pourquoi il faut immédiatement prendre deux mesures : rétablir la laïcité partout et stopper l’immigration légale et clandestine. À partir de là, les tensions
s’apaiseront naturellement et la France reprendra son chemin.
C : Quelle part d’eux-mêmes doit-on demander aux immigrés d’abandonner ? Au-delà de la langue, quels éléments doivent-ils acquérir pour s’intégrer ?
FP : Effectivement, les primo arrivants doivent laisser une part d’eux-mêmes au pays et c’est, je le reconnais, une forme de violence. Concrètement, il est préférable qu’ils parlent chez eux en français avec leur famille. On doit exiger qu’ils se conforment aux lois de la République, qu’ils en connaissent les grandes valeurs et qu’ils transmettent son Histoire. Je ne parle pas ici des conditions de naturalisation, c’est un tout autre sujet.
Or, aujourd’hui, certains enfants de la troisième ou quatrième génération d’immigrés donnent l’impression de se désassimiler. On a vu des jeunes français brandir des drapeaux étrangers, parfois avec arrogance, le soir de l’élection du nouveau Président de la République Française. Cela révèle un malaise de l’assimilation et de l’identité, dû en partie au fait que notre pays est en permanence délégitimé par ses propres élites. La France est un des rares pays où il est scandaleux de brandir le drapeau national !
C : Que pensez-vous de la Droite Populaire, auxquels appartiennent les souverainistes de l’UMP Lionnel Luca et Jacques Myard ?
FP : Lorsque j’entends Jacques Myard, je l’approuve sur toute la ligne. Avec Lionnel Luca, ils tombent à bras raccourcis sur l’UE mais restent au sein d’un parti – l’UMP – qui la défend farouchement. Cela pose un sérieux problème de cohérence. Je vous rappelle que seuls cinq parlementaires de la Droite Populaire ont voté contre le traité budgétaire européen. En 2008, c’était encore pire, ils n’étaient que deux ou trois sur les quarante parlementaires de la future Droite Populaire à s’être opposés au traité de Lisbonne ! Globalement, la Droite Populaire reste de la publicité mensongère.[/access]
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