Le gouvernement japonais vient d’autoriser les expérimentations au-delà de 14 jours… Jusqu’où va-t-on se risquer dans la confusion des espèces?
Des embryons hybrides humains-animaux… Dans l’île du docteur Moreau, roman de science-fiction d’HG Wells paru en 1896 un naufragé échoue dans une île où un « docteur fou » multiplie des greffes pour transformer des animaux en hommes: ainsi sont nés l’homme-puma, l’homme-lion etc. Tous sont soumis à la loi : ne pas marcher à quatre pattes, ne pas laper pour boire, ne pas griffer les écorces des arbres, ne pas tuer les autres créatures mi humaines, ne manger ni chair ni poisson. Les chimères ont beau vénérer leur créateur, leurs instincts sauvages reprennent peu à peu le dessus. Moreau et son assistant sont tués par les monstres, le naufragé réussit à rétablir l’ordre avant de s’enfuir sur un radeau. Revenu à la civilisation, il reste traumatisé : il ne voit plus ses congénères que comme des créatures de Moreau où l’animal serait dominant…
La réalité dépasse la fiction
Cette fable fascinante a marqué les esprits et a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques. Ce cauchemar va-t-il devenir bientôt réalité ? Le gouvernement japonais vient d’autoriser le développement d’embryons hybrides humains-animaux au-delà de 14 jours et surtout leur implantation dans des utérus de substitution, ce qui leur permettra de mûrir et peut-être de naître.
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Bien entendu, il ne s’agit nullement de créer une faune « à la Moreau » destinée à être exhibée dans des cirques. L’idée qui sous-tend ce projet est humanitaire : devant la pénurie d’organes à greffer, il vise à transformer à l’aide de cellules souches humaines pluripotentes des animaux au point qu’ils développeraient un rein, un foie, un cœur, un utérus ou autre pancréas totalement humain, qu’il n’y aurait plus qu’à transplanter. Pour le moment, on restera au stade de l’expérimentation, pour acquérir de l’expérience, lever les innombrables problèmes qui ne manqueront pas de se poser et surtout habituer l’opinion publique à ces si dérangeants travaux. Rien ne dit que le succès sera au bout de la route ; des scientifiques doutent qu’on puisse ainsi obtenir des organes 100% humains… Il risque de rester des traces d’impuretés qui provoqueront à terme le rejet de la greffe. Néanmoins, on a fait « pousser » un pancréas de souris sur un rat, on l’a transplantée sur une souris rendue diabétique et on l’a guérie ainsi de sa maladie. Mais… cette expérience n’a pas été menée sur un très long terme. Indique-t-elle qu’il faudrait « humaniser » que des animaux très proches de l’Homme ? Le singe ? Le porc ? Notons que le cochon poserait des problèmes religieux à deux milliards d’humains qui préféreront peut-être mourir plutôt que de recevoir un organe prélevé sur une bête immonde ?
Faut-il forcer les Japonais à renoncer ?
Aucune greffe d’un tel organe ne sera sans doute tentée avant 20 ans. Mais passée ce cap, la prochaine étape sera-t-elle l’implantation de cellules souches animales dans des fœtus humains ? Pour créer des hommes et des femmes qui pourront vivre sous l’eau et peupler les océans ? Ou habiter sur Mars en se contentant de l’atmosphère ténue de cette planète ? Ces folies annoncées depuis les années 1980 par les livres de science-fiction paraissent désormais à notre portée. Doit-on s’effrayer ? Entamer une campagne mondiale pour obliger le gouvernement japonais à retirer son autorisation ? À quoi bon ? Cela ne serait que reculer pour mieux sauter. Si l’archipel nippon interdit ces expériences, elles auront lieu en Corée du Sud ou en Chine. Dans ce dernier pays, on aurait, paraît-il, déjà modifié des bébés pour les protéger du sida et peut-être les rendre plus intelligents. Toucher au capital génétique de l’Humanité pour « l’améliorer » se fera tôt ou tard. On peut le déplorer, mais comment l’empêcher ?
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