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Jane Birkin bouleversante dans son dernier album « Oh pardon tu dormais »

"Oh pardon tu dormais", le dernier album de Jane Birkin, est une franche réussite


Jane Birkin bouleversante dans son dernier album « Oh pardon tu dormais »
Jane Birkin lors du concert "Immortel Bashung" au Grand Rex le 2 octobre 2019. © SADAKA EDMOND/SIPA Numéro de reportage : 00926326_000068

Jane Birkin a sorti son dernier album « Oh pardon tu dormais » le 11 décembre. Presque un testament pour l’ancienne compagne de Serge Gainsbourg, qui semble enfin avoir trouvé sa place.


Le 11 décembre dernier est sorti le nouvel album de Jane Birkin « Oh pardon tu dormais », superbement mis en musique par Etienne Daho, l’ami de la famille qui a déjà travaillé avec Charlotte et Lou Doillon. Jane aux textes et Daho à la mise en scène. Le résultat ressemble à un album concept.

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J’ai employé à dessein le terme de mise ne scène, car le titre est tiré d’une pièce que Birkin avait écrite et interprétée en 1992. Une femme qui pour la dernière fois veut extorquer un « je t’aime » à son homme endormi. Une réponse au « Je t’aime moi non plus » de Gainsbourg ? Cela y ressemble. C’est un autre duo, sur le désamour cette fois, sans gémissements mais tout aussi érotique où se mêlent la voix chaude et retenue de Daho avec celle, plus si cristalline, abîmée par les drames et la vie, de l’ex égérie gainsbourienne.

Presque un testament 

Un album qui sonne comme un adieu, presque un testament où Birkin semble régler ses comptes avec son mentor, et qui tourne autour de la mort tragique de sa fille Kate.

Pour la première fois, Jane met des mots sur l’innommable, la mort de son enfant. Il n’existe pas de mot dans la langue française pour désigner des parents qui ont perdu un enfant.

Jane en a mis dans « Cigarette ». Des mots sans fard  : « Ma fille s’est foutue en l’air », et d’autres, plus mystérieux, une énumération d’objets ayant appartenu à Kate. Elle a bien retenu la leçon de son maître, car on pense à  « Ford Mustang ». Ce titre m’évoque également celui que Gainsbourg avait écrit pour une autre suicidée, Norma Jean Baker dans le sublime album « Baby alone in Babylone ». L’institut médico légal » résonne avec la « morgue de LA ». Deux suicides en écho.

Avec Etienne, tout est devenu possible, il n’a cessé de me bousculer, de faire sortir de moi les peines les plus démentes, tout en restant un gentleman

Cet album n’est qu’un écho, de multiples résonances entre Jane B vingt et un an, et Jane Birkin soixante quatorze ans. Cette dernière signifie à son pygmalion qu’elle n’est plus sa créature Enfin. Dans « F.R.U.I.T », un court dialogue parlé avec Daho, elle dit ne pas pouvoir prononcer les mots « fruit » et « sexe », même sous la torture. Elle qui a si bien joué l’extase dans « Je t’aime moi non plus ». Si Jane fut au service de Gainsbourg, chantait les sentiments exacerbés que l’homme pudique et un tantinet misogyne qu’il était se refusait à chanter, là c’est Daho qui se met à son service pour faire sortir sa part de violence. En effet, elle confie dans une interview à « Madame Figaro » : « Avec Etienne, tout est devenu possible, il n’a cessé de me bousculer, de faire sortir de moi les peines les plus démentes, tout en restant un gentleman. Si j’avais fait ce disque seule, ça aurait été nostalgique, sûrement un peu craintif. Avec lui, qui est passionné, c’est érotique, comme notre duo. »

Daho a en commun avec Gainsbourg le désespoir poli, il chante toujours la tragédie de l’existence sur des mélodies légères. Pour « Cigarette » il a composé un air à la Kurt Weill comme pour éloigner la peine.

Mais cet album reste poignant. Dans « Ghosts », chanté en anglais, Jane évoque et invoque ses morts : « Grand Pa, grand Ma, mother, father, daugther, nephew, husbands cats and dogs .» Comme si elle leur demandait de veiller sur son âme. Dans « Catch me if you can » toujours dans sa langue maternelle, elle s’adresse à sa fille, lui demande de l’aider à supporter ce qui lui reste de vie. Avant de la rejoindre. « Will you protect me from the fear of growing old ; will you help me, will you hold me (..) I’m on my way to you ». Oui cet album est bouleversant.

Jane Birkin a trouvé sa place

Le point culminant en est, à mon sens, le titre : « Je voulais être une telle perfection pour toi », où elle s’adresse sans aucun doute à celui qui restera l’homme de sa vie. Elle est allée si loin pour lui plaire. Elle le tue. En évoquant à la fois les bons souvenirs « comme j’aimais ça, tous les trois ensemble, il te faisait rire, comme j’aimais ça, lui et toi » et la façon qu’elle avait de lui être soumise : « Je vais nulle part je m’échappe pas, je ne bougerai pas jusqu’au lever du jour si tu me le demandes ». Avec la voix chaude de Daho en écho toujours, sur un tempo électro et sensuel, comme une protection face à celui qui est sûrement encore trop présent, qui l’a faite et défaite.

« Je prends trop de place, même pour moi je prends trop de place. ». L’ex fan des sixties s’excusera toujours. Cependant avec cet album qui sera peut-être son dernier, elle impose enfin la femme que la vie aura à la fois gâtée et maltraitée. Jane B anglaise, soixante quatorze ans a enfin trouvé sa place.



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