James Bond reprend du service


James Bond reprend du service

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Soit vous choisissez d’escalader laborieusement la face sombre, cet Everest indigeste où le style a dévissé. Piolet en main et poches sous les yeux, ne vous obstinez plus à grimper vers d’inaccessibles cimes ! Le plaisir de lecture est passé au travers de votre mousqueton. Pas la peine de s’accrocher à ces romans durs comme de la roche, l’autofiction française ne mérite pas qu’on s’y fracasse la tête à chaque rentrée de septembre. Laissez-là aux critiques neurasthéniques qui lisent comme on bachotte.

Soit vous avez envie de respirer à pleins poumons et de dévaler tout schuss un thriller à l’ancienne. Au panier, les tracas existentiels des auteurs sous camisole, rien ne vaut du « 60 Year Old Whisky », un bon vieux Bond avec tout ce qu’il y a de factice et de flamboyant, de faisandé et de fantastique. Des espionnes pas bégueules, des bagnoles de course, des méchants soviets derrière le rideau de fer, du Cristal Roederer au goulot, un milliardaire patibulaire et James, parfait représentant du mâle dominant, l’Homme réactionnaire dans toute sa splendeur, le sauveur de ces dames. Le charme et l’autorité des années 50, le tout secoué au shaker…pas à la cuillère comme il se doit. Un retour à l’adolescence en Bentley 4,5 litres avec compresseur Amherst-Villiers et en smoking de gala. Question standing, ça change de la misère sociale dont se repaissent nos écrivains en vogue.

Chez Bond, l’action liquide la psychologie de bazar. C’est ce qu’on appelle « le permis de tuer ». La franchise Bond vient donc d’être reprise par Anthony Horowitz, connu pour ses adaptations de Sherlock et d’Agatha Christie. Les héritiers de Ian Fleming ont choisi ce londonien qui a été décoré en 2014 de l’Ordre de l’empire britannique pour services rendus à la littérature. Dans « Déclic mortel », il s’en donne à cœur joie. Il ne boude pas son plaisir en multipliant les références historiques et en incluant même des notes de Ian Fleming himself. Ce dernier avait rédigé des synopsis pour un projet de série télévisée aux Etats-Unis qui ne vit jamais le jour. L’un d’entre eux intitulé « Meurtres sur roues », plongeait Bond dans l’univers des Grands Prix automobiles. Sir Stirling Moss, la légende toujours vivante des sports mécaniques british, y tenait même un rôle principal, celui de pilote instructeur. Horowitz s’est servi de cette trame pour créer une histoire aux ramifications tentaculaires. Un Bond réussi, c’est un Bond hypercalorique, il faut que ça déborde, que le lecteur à bout de souffle soit projeté à chaque chapitre d’un continent à un autre, d’une blonde à une brune, etc…Ceux qui aiment une littérature introspective, blanche comme un mont chauve, peuvent passer leur chemin. Cette nouvelle aventure emprunte à la pyrotechnie une débauche d’effets spéciaux.

Il y a dans ce roman d’espionnage une parenté avec  La Grande Evasion  et Peur sur la ville . On ne sait plus où donner de la tête, Bond non plus d’ailleurs. Un jour dans le baquet d’une Maserati 250F rouge vif sur le circuit du Nürburgring, le lendemain sur une base de lancement de fusées à Wallops Island en Virginie. Entre conquête spatiale Est versus Ouest, anciens scientifiques nazis recyclés et ce mystérieux homme d’affaires, miraculé de la Guerre de Corée, Horowitz pratique une géopolitique du divertissement. Il s’inscrit même dans la suite de Goldfinger, les fans de Bond retrouveront, non sans effroi, le terrible SMERSH ainsi qu’une vieille connaissance, l’adorable et vénéneuse « Pussy Galore » qui est à la tête d’une organisation de lesbiennes. « Les gangs américains les plus puissants la respectent » affirmait Fleming. Et puis, comment ne pas succomber à un agent secret qui déclare : « Je hais le thé et j’estime qu’il est l’une des causes de la décadence de l’empire britannique ».

Déclic mortel de Anthony Horowitz – Incluant des notes de Ian Fleming – Editions Calmann-Lévy

Déclic mortel

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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