James Bond refait surface dans les librairies. D’après son auteur, Ian Fleming, il est né en 1924, il boit sec, il conduit une antique Bentley, les femmes ne lui résistent pas, il est fidèle à sa Majesté et, détail qui a son importance, il a le permis de tuer. Ce double zéro renaît donc sous la plume de William Boyd, Goldwriter de son état, qui reprend la concession l’espace d’une aventure intitulée Solo.
L’auteur anglais, ghanéen de naissance, n’est pas un perdreau de l’année. Si les héritiers de Fleming lui ont confié la tâche explosive de remettre dans le circuit James Bond, c’est qu’ils font confiance à son savoir-faire. D’autres se sont cassés les dents sur la légende. L’écrivain né sous les tropiques a du répondant, les histoires d’espions ne l’impressionnent guère. Il conduit les intrigues d’une main experte, sa documentation ne souffre d’aucune lacune, c’est du travail bien bétonné, implacable, avec lui, l’histoire rebondit comme une Land-Rover sur les pistes africaines. Secousses garanties ! Car Boyd a envoyé Bond dans l’imaginaire Zanzarim en Afrique occidentale et dans son inhospitalière province sécessionniste autoproclamée état indépendant : la République démocratique du Dahum.
Vous l’aurez compris, Boyd a utilisé les bonnes vieilles ficelles de Q, l’artillerie lourde, une contrée inconnue, des méchants vraiment très méchants, mercenaires sanguinaires, une girl « au jeune corps ferme » comme il se doit, en bref, de l’action, du soft sexe, de la géopolitique, le tout secoué au shaker pas à la cuillère.
Ne boudons pas notre plaisir ! Même si le lancement de ce nouveau 007 de papier s’apparente à une armada commerciale. Rarement un auteur anglais n’avait été autant interviewé en long et en large dans la presse française. Avant que le livre ne pointe son nez dans les rayons, on savait déjà tout de sa genèse et de ses objectifs de vente. On peut déplorer parfois un style relâché, quelques facilités langagières, le genre l’exige peut-être, Boyd demeure, malgré tout, un très grand professionnel. Et le meilleur héritier littéraire de la saga sans conteste.
Son idée de génie : avoir situé l’action en 1969 et taillé un costume sur-mesure à Bond, plus proche de sa véritable psychologie, en s’éloignant des fadaises cinématographiques. Boyd précise dans une note qu’il a potassé la « nécrologie » d’On ne vit que deux fois, le dernier ouvrage de Ian Fleming publié de son vivant. Bond a quarante-cinq ans, il roule en Interceptor, Q n’est qu’un jeune binoclard, Moneypenny déjà saoulante l’assaille de prévenances, et ce 007 de sang mêlé écossais par son père, suisse par sa mère est, au final, moins primesautier. Est-il plus sombre alors ? Comment ne le serait-il pas ? Il repense aux événements du 7 juin 1944 quand il officiait en tant que lieutenant du Service de renseignement de la Marine détaché dans un commando d’élite « à la recherche d’une nouvelle machine à chiffrer de la Wehrmacht ». Ce Bond doute, il n’est pas cette incarnation monolithique de l’espion infaillible. Conclusion : Boyd a réussi sa mission. M et ses lecteurs le félicitent.
Solo, roman de William Boyd – Une nouvelle aventure de James Bond – Seuil
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