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Jamel Gorchane baignait dans un bouillon de culture anti-français

Portrait du tueur de Rambouillet


Jamel Gorchane baignait dans un bouillon de culture anti-français
Rambouillet, 24 avril 2021 © Michel Euler/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22561409_000005

Céline Pina dresse le portrait de Jamel Gorchane, l’islamiste tunisien qui a égorgé une policière de Rambouillet vendredi 23 avril au cri de Allah Akbar.


La cible, le mode opératoire, le profil de l’égorgeur, tout dans l’attentat de Rambouillet porte la marque du terrorisme islamiste. Un petit tour sur les communications que l’homme postait sur Facebook suffit pour avoir une idée du profil de l’homme qui a égorgé la policière de Rambouillet. Certes on y trouve nombre de références liées aux frères musulmans mais aussi quelques références bien françaises, Jean-Luc Mélenchon et Edwy Plenel. Un combo qui lie la radicalisation politico-religieuse à l’adhésion à l’idée, qu’en France, les musulmans seraient persécutés et que la police serait structurellement raciste.

Liens avec les frères musulmans

Mais commençons par le commencement. D’abord cet homme est un islamiste, ses références ne font guère de doutes. Son intérêt pour la doctrine des frères musulmans ne date pas du confinement selon des spécialistes de ces questions, comme Fiammetta Venner qui gère le site Ikhwan Info, mine précieuse de renseignements sur l’idéologie frériste et ses acteurs. En naviguant sur la page du tueur de Rambouillet, on peut voir qu’il se réfère notamment à Idriss Nguyen, un proche de Tarik Ramadan. Or l’homme est loin d’être le plus connu des influenceurs frères musulmans. Il faut être déjà introduit dans la secte pour le choisir comme référence. Le terroriste partage aussi les prêches du prédicateur islamiste Bechir Ben Hassen.  Ce délicieux personnage, proche de Ghannouchi, leader des frères musulmans tunisiens, qui en appelait encore à décapiter les kouffars blasphémateurs au lendemain des attentats de Charlie Hebdo n’est pas un inconnu des services de police. Longtemps imam à Villiers, ses prêches ont conduit à la fermeture de cette mosquée. L’homme est tristement connu pour avoir enlevé ses enfants, il est soupçonné d’avoir poussé des jeunes à faire le jihad en Syrie, il a l’appel au meurtre et à la haine totalement décomplexée, lance des fatwas contre la liberté des femmes, la vente d’alcool… Aujourd’hui imam à Noisy-le-Grand, il a fini par y ouvrir une école, tout en continuant à professer son idéologie extrémiste. L’homme cependant navigue entre la France et la Tunisie, mais s’il parait pouvoir continuer ses activités de radicalisation sans soucis sur notre sol alors qu’on ne peut pas être plus défavorablement connu des services de police que lui. La Tunisie, elle, l’a interdit de prêche depuis longtemps. 

Le terroriste ne se voit pas comme un monstre mais comme une victime qui fait justice, il tue au nom de Dieu

Mais chez nous, en revanche il est régulièrement invité à semer la « bonne » parole dans les mosquées de Pontoise, d’Argenteuil ou d’ailleurs. Invitations qui disent quelque chose aussi sur ces mosquées soi-disant sans histoire mais qui adorent les profils haineux quand il faut inviter un imam extérieur à prêcher… 

La victimisation, première étape de la radicalisation ?

Le tueur de Rambouillet adhérait à ces discours et a fini par passer à l’acte. Mais est-ce si étonnant que passages à l’acte et tensions se multiplient quand on laisse de tels gourous prendre en main toute une communauté et notamment sa jeunesse ? Quand on laisse ceux qui prêchent la haine contre ce que nous sommes au nom de leur religion, agir et répandre leur poison dans les têtes ? Quand on multiplie la construction de mosquées alors qu’aujourd’hui ceux qui les financent sont essentiellement les islamistes ? Comment s’en sortir quand face à un profil aussi lourd que celui de l’imam que le terroriste admirait, on est placé en face de l’inaction de l’État ou des failles de l’État de droit ?

Eu égard à l’acte commis, il n’est pas étonnant que l’on retrouve dans les références du terroriste de Rambouillet des personnages clés de la propagande islamiste. Mais l’homme n’avait pas que des références liées à l’islam, Jean-Luc Melenchon, Edwy Plenel, Mediapart faisaient aussi partie de son panthéon. Il ne doit pas être facile, quand on passe son temps à faire des procès en quasi-nazisme à la terre entière, de constater que l’on est devenu une référence pour d’authentiques islamistes. De ceux qui passent à l’acte terroriste. Mais pourquoi cet engouement de l’assassin pour ces figures ? 

Le journaliste Edwy Plenel prend la parole lors de la manifestation à la Place de la Bastille à Paris, contre la proposition de loi sur la sécurite globale menée par Gérald Darmanin, 28 novembre 2020 © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage: 00993094_000010

C’est parce qu’elles participent à la montée en puissance du ressentiment et offrent ainsi une justification au passage à l’acte qu’elles sont appréciées. En effet, le terroriste ne se voit pas comme un monstre mais comme une victime qui fait justice. Il tue au nom de Dieu, d’où le cri d’Allah Akbar. Mais selon sa logique, il ne fait que tuer un méchant, une cible désignée, un oppresseur. Il rend service à sa communauté en le faisant, il la délivre. Alors certes, ni Jean-Luc Mélenchon ni Edwy Plenel n’en appellent au meurtre et cela fait une différence conséquente avec le prêcheur frère musulman. Il n’en reste pas moins qu’ils participent à construire et à diffuser dans la sphère médiatique et politique, des récits de victimisation et d’oppression qui sont des représentations fausses et outrancières, mais qui exaltent l’imagination des personnes fragiles et nourrissent une histoire qui peut aussi favoriser le passage à l’acte.

Cette victimisation outrancière est déjà dans le discours racialiste et islamiste, mais la France insoumise entre autres lui offre une nouvelle légitimité quand elle participe à la marche contre l’islamophobie en novembre 2019. Une marche où des enfants et des adultes vont jusqu’à porter l’étoile jaune pour signifier qu’ils sont opprimés en tant que musulmans et où on scande Allah Akbar juste à côté du Bataclan. Il y a aussi ces interviews où le leader de la France Insoumise accuse la France d’islamophobie et prétend défendre les musulmans. On pourrait aussi parler aussi des jérémiades autour des « mamans voilées » qui ont souvent tous les codes vestimentaires et le discours des frères musulmans. Le problème, c’est que la victimisation est un pan essentiel de la radicalisation et un axe de propagande des islamistes. À ce titre Edwy Plenel est aussi un des grands diffuseurs de ces représentations qui présentent la France comme raciste, colonialiste, voire fascisante et répandent l’idée que les musulmans seraient persécutés dans notre pays.

Certes ce n’est pas ce qui génère directement un passage à l’acte et la plupart des islamistes, à l’inverse de celui-ci, sont non-violents et suivent une voie pour la prise du pouvoir plus politique, mais ces personnages qui appartiennent à l’élite n’en légitiment pas moins une idéologie et tout un biotope où la victimisation nourrit des idées de vengeance. Un biotope où l’on désigne des cibles. Les policiers, les professeurs, les journalistes… Cibles traditionnelles de l’assassinat politique, d’ailleurs. 

Cibler la police, c’est cibler la République

Or ces hommes, qui sont des références françaises et dont le terroriste diffusait les prises de positions, font souvent preuve d’un manque total de mesure et ont participé à la diabolisation de la police par des généralisations abusives. Ils ont des relations avec des associations qui ont pour titre « la police assassine » sans voir le problème d’un tel intitulé, ils ont valorisé l’action du comité Traoré qui visait les forces de l’ordre dans leur ensemble et participé à hisser au rang de héros une famille marquée par le caïdat, la violence, le racket et la délinquance. Ils ont repris sans discernement ou par clientélisme le discours des islamistes et des racialistes, validant un racisme systémique. Faisant ainsi passer l’action de l’État pour illégitime et la police pour une milice au service du pouvoir. Tout cela n’est pas sans effet sur les esprits fragiles.

Or si la France n’est pas un paradis, c’est sans doute un des pays les moins racistes et les plus tolérants du monde car elle ne cesse d’être attaquée, de voir mourir les siens, de voir sa société se diviser sous les revendications des extrémistes de l’islam ou des nouveaux racistes que sont les racialistes. Cependant, elle ne désigne aucune communauté à la vindicte et continue à faire la différence entre musulmans et islamistes.

Mais qu’en France, une femme puisse être égorgée sur son lieu de travail, à l’intérieur même du commissariat, fait passer un message sinistre à tous les Français : nul n’est à l’abri, nulle part et ceux dont la vocation est de protéger sont des cibles. Pour que ce soutien à la famille de la victime ne soit pas un énième coup de communication, il faut que le président clarifie sa position et arrête d’expliquer que la France doit « déconstruire son histoire » ou qu’il « n’existe pas de culture française ». Car ce que nous affrontons est bel et bien une bataille civilisationnelle. Et Emmanuel Macron est le plus mal doté pour la mener tant il n’a aucune colonne vertébrale sur ces sujets fondamentaux. Pour mener cette bataille, il est temps d’arrêter de fermer les yeux sur la présence des islamistes sur notre sol et temps de regarder en face le fait que ce sont eux les principaux financiers de mosquée, qu’ils voient comme une façon de mailler et de contrôler un territoire en influençant une partie de la population et en rendant ainsi l’intégration impossible.

Mettre fin au déni médiatique

Dernier déni mais qui n’est pas le moindre : pourquoi la presse répugne-t-elle à écrire dans ses titres que la victime a été égorgée? 

Parce que l’égorgement dit que l’on a affaire à une attaque d’islamiste. C’est une façon de tuer les hommes qui n’est pas de chez nous, mais parle bien d’une culture et d’une idéologie particulière. Cette façon de tuer dit qu’il s’agit ici d’un sacrifice humain. Égorger un animal dans le cas d’un sacrifice est une façon de tuer qui, au Maghreb, est censée plaire à Dieu. L’occident a abandonné l’idée de sacrifier un être vivant à un quelconque Dieu. La pratique est même vue comme barbare. Ailleurs, c’est une façon rituelle de tuer. Le choix de l’égorgement est un choix culturel. Et comme pour les islamistes, nous ne sommes que des animaux, sacrifier un homme n’est pas un tabou. Or, pour ne pas regarder cela en face, une partie de la presse va même en arriver à parler de « coups de poignard » à la gorge. 

Le problème est que si le président de la République et le monde politique ne partagent pas très vite une doctrine et une grille de lecture claire de ce genre d’affaire, leur éternelle pusillanimité n’aura qu’une conséquence : approfondir l’influence des islamistes sur la communauté musulmane et multiplier les passages à l’acte. Ici le déni n’aura servi qu’à faire monter le crédit de Marine Le Pen. Laquelle n’a pas tort de fustiger une forme de laxisme. Alors au lieu de reprocher à la droite et à l’extrême-droite de faire de la politique politicienne, le président et son aréopage devraient plutôt comprendre que nos jours heureux ne sont plus, que la paix civile est clairement menacée et que ce n’est pas parce que les opposants qui lui mettent le réel sous le nez peuvent être très critiquables également, que leur constat est systématiquement faux. 

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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