La librairie Les Cahiers Lamartine organise ce soir un débat – qui sera retransmis sur France culture lundi dans La Fabrique de l’histoire– entre Robert Paxton et Jaques Semelin, à l’occasion de la sortie du livre de ce dernier Persécutions et entraides dans la France occupée, Comment 75% des juifs ont échappé à la mort.
Paxton et Semelin, historiens de référence sur le régime de Vichy, ont éclairé deux faces opposées de cette période troublée de notre histoire. Comme on peut dire d’un verre qu’il est à moitié vide ou à moitié plein, chacun des deux historiens a choisi de regarder l’Occupation sous un angle différent : celui de la collaboration, et celui de l’entraide et de la résistance.
La « révolution paxtonienne » occasionnée à l’occasion de la sortie du livre La France de Vichy en 1973 fit trembler pour la première fois le mythe gaullien d’une France entièrement résistante, et rejeta la thèse du glaive et du bouclier qui consistait à faire de Gaulle et Pétain les deux faces d’un même Janus résistant. Le livre de Paxton révélait une France collabo, dont les élites avaient, en toute conscience, non seulement offert leur appui à l’Allemagne nazie, mais tenté d’instaurer un véritable fascisme à la française sous la forme de la « révolution nationale ». Quant au peuple français, l’auteur rappelait son antisémitisme foncier et son soutien massif à la législation raciale.
Semelin, lui, a choisi de regarder l’envers de la médaille. Certes, sur les 350.000 juifs demeurant en France, 90.000 ont été tués par les nazis, et il n’est pas question de relativiser un tel crime. Néanmoins, cela signifie que 75% d’entre eux ont réchappé – 90% pour les juifs de nationalité française : un taux exceptionnel par rapport à une moyenne européenne à 33%- à tel point qu’on a pu parler d’ « énigme française ». Jacques Semelin s’intéresse à ces 260.000 personnes qui ont pu se soustraire au sort terrible qui les attendait, et aux gens, qui, dans l’ombre on eu le courage de les aider. Quatre figures clés ressortent de ce « point aveugle » de l’historiographie de la Shoah : l’ange gardien, l’hôtesse, le faussaire et le passeur, auteurs de petits gestes d’entraide et de solidarité qui ont fait la différence, actions minimes d’anonymes souvent tombés dans l’ombre des 3500 justes officiellement reconnus par Israël.
Deux historiens de talent, deux points de vue, deux recherches approfondies : un vrai débat en perspective.
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