On sait qu’allumer la radio en voiture peut être dangereux : Mitterrand avait failli verser dans le fossé plusieurs fois en tombant sur une déclaration de son ministre des relations extérieures Cheysson. C’est ce qui a failli m’arriver il ya quelques jours en entendant l’annonce d’une soirée d’hommage à Jacques Rigaut. Surtout que j’étais sur ma radio favorite, RTL, pas vraiment spécialisée dans la littérature de l’entre-deux-guerres.
En fait, il s’agissait d’un homonyme (peut-être avec une orthographe différente), apparemment ancien administrateur de la radio, qui venait de casser sa pipe. Il aurait aimé ça, Rigaut (le vrai), lui qui a si bien écrit sur l’ennui, qu’on le confonde avec un de ces pesants bureaucrates décorés de la Légion d’honneur. Mais qu’importe, c’est là l’occasion d’avoir une pensée pour l’authentique Jacques Rigaut (1898-1929), feu follet de la littérature, qui, outre l’ennui, a écrit de belles choses sur la richesse : « la petite V… vient d’épouser un riche garçon ; elle l’aime. Ce n’est pas son argent qu’elle aime, elle l’aime parce qu’il est riche. La richesse est une qualité morale. Les yeux, les fourrures, la santé, les jambes, les mains, la 12 Packard, la peau, la démarche, la réputation, les perles, les partis pris, le parfum, les dents, l’ardeur, les robes qui sortent de chez le grand couturier, les seins, la voix, l’hôtel Avenue du Bois, la fantaisie, le rang dans la société, les chevilles, les fards, la tendresse, l’adresse au tennis, le sourire, les cheveux, la soie, je en fais pas de différence entre ces choses, et aucune d’entre elles n’est moins capable de me séduire que les autres. », sur les indignés : « La révolte est une forme d’optimisme à peine moins répugnante que l’optimisme courant. », et bien entendu sur le suicide : le fameux « Essayez, si vous le pouvez, d’arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière. ». Le fondateur de l’Agence Générale du Suicide, « l’AGS offre enfin un moyen un peu correct de quitter la vie, la mort étant de toutes les défaillances celle dont on ne s’excuse jamais. » est de ceux qui vont au bout de ses idées : il se tirera une balle en plein cœur à l’âge de trente ans.
S’il fallait recommander un livre de Rigaut, ce serait celui édité par Cent pages, rien que pour le titre : Le jour se lève ça vous apprendra.
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